«C'est parti pour la secode journée de l'Inferno Festival»
STEPHANE MASSON Journaliste
Festival
18/04/2025
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Inferno Metal Festival : Jour 2 By Denis Lagrange
Vendredi, voici venu le deuxième jour du festival Inferno à Oslo. On s’éveille un peu fatigués d’une nuit reposante, mais un peu courte. Une fois le petit-déjeuner englouti, on part se promener pour découvrir un peu Oslo. En effet, le ciel est bien dégagé et la température de 15° en augmentation se prêtent bien à la balade en extérieur. Petit passage devant le parlement, où on est surpris de découvrir trois cabines de toilettes publiques, respectivement bleue, blanche et rouge, surmontées des mots liberté, égalité et fraternité. Une petite recherche nous apprendra que c’était il y a une dizaine d’années pour célébrer le centenaire de la constitution norvégienne. « L’œuvre » est censée saluer l’inspiration qu’a représenté la constitution française dans la rédaction de l’équivalent norvégien. Il semblerait qu’un certain nombre de personnes aient été un peu choquées par le choix réalisé à l’époque et on comprend aisément pourquoi. On continue la promenade par l’hôtel de ville, un bâtiment colossal dans un style très brut, et adorné de nombreuses décorations riches et diverses. On enchaîne avec un tour de la forteresse d’Akershus, non loin, qui nous donne une très belle vue sur le fjord et les reliefs environnants. Puis un tour vers l’opéra d’Oslo, construction géométrique dont la majeure partie du toit est accessible aux piétons, par une pente relativement douce. On revient enfin sur nos pas, pour entrer à l’hôtel Clarion the Hub, où l’on veut voir l’exposition d’art qui a lieu durant le festival. Les artistes exposés comptent notamment Seth Siro Anton, Gunnar Haslund, Huglekur Daggson, Nattefrost et Gaahl (et la liste continue).
En entrant dans l’hôtel, la différence est frappante. On a croisé quelques metalleux dans notre hôtel, notamment au petit-déj, mais la plupart des clients n’ont, à l’évidence, rien à voir avec le festival. Au Clarion, c’est l’inverse et chacun des clients de l’hôtel arbore un look qui ne trompe pas. On se dit que peut-être, si c’était à refaire, on choisirait de loger ici (petite note pour la prochaine fois). L’exposition est facile à trouver, gratuite d’accès et même si on en fait vite le tour, elle comporte pas mal d’œuvres très intéressantes.
On ne s’éternise pas non plus, car même en réduisant au minimum syndical le passage à notre chambre, il est l’heure de se mettre en route pour aller voir les Portugais de Gaerea. On arrive au Rockefeller à 15h45 et on y découvre une file d’attente un peu inquiétante. L’entrée n’est pas encore ouverte et la queue remonte toute la rue jusqu’au carrefour, puis fait un angle droit et atteint presque le carrefour suivant ! À peu de chose près, on pourrait prendre un petit cocktail au Kniven bar tout en faisant la queue. Plus de peur que de mal, car finalement, la file d’attente se met rapidement en branle et nous serons à l’intérieur avant 16h15, pour un début de set de Gaerea à 16h30.
Habillés intégralement en noir, avec les bras grimés de la même couleur et une cagoule sans trous, les membres du groupe ne doivent pas avoir de souci à passer inaperçu lorsqu’ils ne sont pas sur scène. Pendant, leurs concerts, en revanche, difficile de passer à côté. C’est un black metal très syncopé et hyper expressif, avec une énergie débordante. Le chanteur a une gestuelle très atypique, qui captive presque autant que leur musique. Bien qu’on ne voie pas leurs visages, il est évident qu’ils sont heureux d’être là à nous envoyer cette performance détonante. Après quelques débuts timides, la fosse se réveille un peu et ça se bouscule dans la bonne humeur. Le groupe se donne à fond et ça se voit au maquillage qui s’efface peu à peu. On ressort déjà lessivés de ce set pourtant trop court et on part à la recherche d’un endroit où poser nos fesses.
On trouve rapidement un bout de canapé à côté du stand qui vend les hot-dog/gaufres, ce qui nous permet de reposer le dos. On aurait aimé aller voir Rosa Faenskap, qui nous était présenté comme un black hardcore bien énervé. Mais qui veut voyager loin, ménage sa monture. Ici, voyager loin, c’est survivre au reste du fest et la monture, c’est mon dos fatigué. On reste donc à souffler un peu. De ce qu’on en a entendu par d’autres qui ont assisté au set, Rosa Faenskap, c’est très intéressant, avec une alternance de passages ambiants et de gros riffs très énervés.
Le groupe suivant sur notre programme, c’est Ponte del Diavolo. Le groupe turinois joue sur la John Dee et même si nous ne connaissons pas encore, la description promet suffisamment pour se laisser tenter (car les festivals, c’est aussi une histoire de découverte). On nous parle d’un doom metal psychédélique avec une chanteuse et deux basses pour le prix d’une. On finit donc par quitter notre piégeux canapé.
La salle John Dee est loin d’être vide, mais on trouve aisément un petit coin en arrière pour se faire une idée. Pour ma part, je peine un peu à me plonger dedans. La voix de la chanteuse est magnifique, sa présence scénique aussi impressionnante qu’atypique et les riffs bien sales et détonants. Mais, je ne sais pas pourquoi, j’ai l’impression de louper un truc, comme un malaise qui ne dirait pas son nom. Pourtant, je persévère, notamment je dois l’avouer car madame est à fond dedans. Une demi-heure plus tard, je n’ai pas réussi à mettre le doigt sur ce qui me perturbait, mais c’est comme si le malaise avait peu à peu disparu. C’est à la fois frustrant, car je ne sais toujours pas ce qui me chiffonnait, mais aussi satisfaisant, car je finis le concert en ayant découvert un groupe qui vaut le détour. Bon, peut-être que j’ai été envouté, on ne sait jamais, mais je vous recommande l’écoute.
On ne perd pas de temps avant de remonter pour aller voir Kylesa (ce nom me fait toujours penser à un personnage de Game of Thrones). Les Américains viennent de reprendre du service (en 2024), après une pause de près de dix ans. Pour l’occasion, un changement de line-up, avec un nouveau bassiste ainsi qu’un nouveau batteur en la personne de Roy Mayorga (Ministry). Le groupe fait dans le sludge un peu progressif, ça change de ce que l’on a écouté depuis deux jours et c’est rafraichissant. Bon, la chanteuse demande à de nombreuses reprises plus de lumière sur scène, ce qui tarde à venir. À croire qu’on a un souci avec la lumière dans le black ! On n’assiste pas au set en entier, pour deux raisons. La première, c’est qu’on veut jeter un œil à Non Est Deus, mais en se ménageant le temps de bien se placer pour Septicflesh ensuite, ce qui implique de ne pas louper les premières notes pour pouvoir écouter au moins un ou deux morceaux. La seconde raison, c’est qu’on commence à avoir faim. Direction le rooftop, où on va tester cette histoire de burger à la viande d’élan. Verdict, ce n’est pas mauvais, la version pita avec quelques ingrédients en plus est meilleure que le burger, même si ça ne casse pas non plus trois pattes à un canard.
Puisqu’on en parlait, donc, Non Est Deus nous vient d’outre-rhin. D’après la description du festival, c’est un projet black metal du musicien Noise (de Kanonenfieber), qui verse dans l’anticlérical (on aurait pu le deviner au nom), l’existentialisme et les libertés personnelles. La description n’est pas trompeuse, mais pêche un peu par omission. En effet, le groupe emprunte aux codes de l’indus, avec un groove bien marqué. Ce n’est pas sans rappeler le style de Kanonenfieber, mais il aura fallu que je me repenche dessus à tête reposée pour déceler la parenté (pourtant évidente à postériori). C’est avec quelques regrets qu’on quitte la petite salle et qu’on remonte pour se placer au second rang de la fosse pour Septicflesh, conformément à nos plans savamment étudiés.
La dernière fois que j’ai vu les Grecs (et l’Autrichien, n’oublions pas Krimh), c’était à l’acropole d’Athènes pour leur date évènement « Dark Arts at the Acropolis », où ils jouaient accompagnés d’un orchestre symphonique. Autant dire d’emblée qu’on a placé la barre assez haute, d’ailleurs madame me dira durant le concert que ça manque d’un orchestre, quand même et qu’on s’habitue vite au luxe. Pourtant le groupe ne déçoit pas et enflamme (figurativement au moins) le public norvégien qui n’a pourtant pas le pogo facile. Une partie du charme de Septicflesh, ce sont les interjections et expressions parfois saugrenues de Seth Siro Anton. Aujourd’hui, on aura eu droit au classique « we destroy ! », mais aussi aux « magic circles », pour désigner les circle pits. Ça donne une fosse déchaînée, à la hauteur de la performance qui se déroule sur scène. On en ressort sur les rotules et tout ce qu’on est en état de faire, c’est se traîner jusqu’à un canapé.
Fort heureusement, on en trouve un bout de libre, car il va nous falloir reprendre des forces si on veut être en état d’assister au set de 1349 (ce n’est pas beau de vieillir, je vous le dis). On n’aura pas le temps de récupérer totalement (je crois qu’il me faudrait plusieurs nuits de sommeil à ce niveau-là), mais on se relève tout de même. 1349 n’aura pas son batteur attitré, car Frost joue ce soir à Stockholm avec Satyricon. Il est donc remplacé par l’un des deux musiciens live qui officient lors d’incompatibilités de tournées avec Satyricon, mais il est difficile de déterminer lequel étant donné la tonne de fumée sur scène.
Lorsque le groupe monte sur scène, on se fait la remarque que Ravn, le chanteur, semble étonnamment jeune. Bon, le corpse paint y est sans doute pour quelque chose, mais on en viendrait presque à se demander si le black metal ne serait pas un des ingrédients de la potion de jouvence… D’ailleurs, en se faisant cette remarque, on effectue une rapide recherche google pour vérifier l’âge du bonhomme. Eh bien si vous voulez faire pareil, ne vous contentez pas du nom Ravn, vous tomberez sur un rappeur de K-pop, pas exactement la même ambiance (et pour répondre à notre question, notre Ravn a 50 ans). Tout ça pour souligner que le groupe semble tenir une forme olympique (on ne dira pas qui a dit : « mais il va à la salle, Ravn, ma parole »). 1349, c’est le black metal misanthrope dans ce qu’il a de plus pur. Un mur de son qu’on se prend en pleine poire. Ce n’est pas pour toutes les oreilles, mais qu’est-ce que c’est bon pour évacuer l’agressivité qu’on peut avoir accumulé ! Le souci, là, tout-de-suite, c’est qu’on en a plus vraiment en réserve de l’agressivité. On assistera donc à la première moitié du set, mais sur une pression insistante de mon petit dos meurtri, on rentrera peu après minuit pour se reposer.