Le quintet américain de Tech Death progressif, Rivers of Nihil n’est plus à présenter. En effet, en quelques années, le groupe s’est imposé comme figure de proue du tech death moderne en nous délivrant des albums aux nombreuses qualités et repoussant, à chaque nouvelles sorties, les limites du style. C’est avec "Where Owls Know My Name" sorti en 2018 que le groupe trouva sa patte et réussit à imposer sa vision. C’est avec cet album que le groupe a totalement embrassé son côté « prog », en effet, tout au long de l’écoute, les expérimentations sonores sont légions et notamment ce saxophone qui en conquis plus d’un. Le tour de force majeur est d’avoir réussi à rendre cohérent et digeste un album qui essaye sans cesse de se détacher de son étiquette de base et d’avoir réussi à plaire à tout le monde, la presse, les fans de la première heure et s’attirer un nouveau public. Personnellement, je trouve cet album juste incroyable, il m’arrive encore très souvent d’y poser une oreille et d’être toujours autant impressionné. Donc c’est avec beaucoup d’impatience que ce nouvel ce faisait attendre.
C’est tout en douceur que les américains amorcent leur nouvelle expérience musicale. Petit à petit, un paysage sonore se met en place et ces premiers instants nous confirment que le groupe compte bien continuer à toujours essayer d’aller à l’avant-garde de son style. En effet, aux premières écoutes, l’album est plus que perturbant tant tout semble confus et totalement déstructuré. Je le dis tout de suite, ne vous attendez pas à un "Where Owls Know My Name" partie 2. Bien que des éléments subsistent comme le saxophone par exemple, la volonté du groupe est clairement de nous proposer quelque chose de complètement différent.
En premier lieu, ce changement est perceptible via le changement de logo. Nous passons d’un logo chargé et typique de la scène tech death à un logo plus épuré et plus lisible. Via ce simple changement le groupe annonce en quelque sorte une transition vers une musique encore plus personnelle et progressive, se délaissant des codes imposés par l’étiquette qui les définissent. Bien que le groupe, continue de tracer sa route, ce n’est pas pour autant que le travail de compositions et d’atmosphère qu’on leur connaît ne reste pas toujours autant intéressant. En effet, "The Work" est d’une richesse qu’il serait difficile de résumer sans rendre cette chronique indigeste.
C’est avec "The Tower (Theme from "The Work")" que s’ouvre l’album. Morceau commençant très simplement puis se dévoilant de plus en plus avant de totalement se montrer à plus de la moitié du morceau. Mais ce n’est que sur "Dreaming Black Clockwork" que nous retrouvons le Rivers of Nihil que nous connaissons. Mais ces retrouvailles ne sont que de courtes durée, en effet "Wait" vient une nouvelle fois contraster le tableau en nous proposant un morceau d’une légèreté assez radicale. Pour les trois morceaux suivants, "Focus", "Clean" et "The Void from Which No Sound Escapes", nous avons des morceaux typiques de Rivers of Nihil, et nous retrouvons le saxophone sur "The Void from Which No Sound Escapes". C’est après l’utilisation d’un sample assez déroutant que "MORE ?" nous explose à la face ! C’est simple, c’est le titre le plus rentre dedans de l’album. Après cette claque, nous reprenons notre voyage et arrivons progressivement sur le dernier morceau "Terrestria IV : Work". La série des "Terrestria" a commencé dès le premier album et est devenu une véritable institution chez Rivers. Pour moi, ces morceaux sont de véritable marqueurs temporels du groupe, dans le sens, où chaque épisodes représente l’état du groupe à chaque album. Les trois premiers épisodes étaient des morceaux purement instrumentaux d’une durée standard et pour cette quatrième itération, le groupe cassa encore les codes en nous proposant un morceau de plus de onze minutes et d’une ambition tout aussi démesuré que le reste de l’album.
"The Work" est de loin l’album le plus ambitieux de leur carrière. Avec ce dernier, Rivers of Nihil sort totalement de sa zone de confort et nous propose un album d’une grande intelligence et d’une maîtrise totale. C’est un album à écouter d’une seule traite car c’est un œuvre globale. Avec la mention de "Theme from "The Work" sur le premier morceau, cela nous laisse imaginer que cet album est une bande originale de film. Un film complètement psychédélique où le protagoniste traverserai divers strates de sa psyché, allant de la démence la plus violente aux moments de calme oniriques. Pour moi, ce quatrième album est une sorte de synthèse des trois précédent albums. Une synthèse qui puise dans le meilleur de chaque album et qui nous propose l’album ultime.
Avec cet album, Rivers of Nihil a atteint un stade de maturité artistique a coupé le souffle et nous propose un album à l’ambition démesurée et maîtrisé de bout en bout. Le groupe a su se réinventer en brouillant les pistes pour nous proposer un voyage introspectif et halluciné d’une grande richesse et à la saveur sans pareille. Pour le coup, je n’ai pas assez de recul pour complètement l’affirmer mais je pense que cet album risque de diviser à sa sortie, en effet le chemin pris par le groupe est si particulier qu’il laissera forcément sur le côté les moins réceptifs à ces changements.