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La Chronique de Carm Ziofa
Rammstein est enfin de retour ! 10 ans d'absence c'est beaucoup. Et pour bien faire les choses, le combo allemand a tout simplement intitulé son album "Rammstein". Plus sobre n'est pas possible, tout comme la pochette, réduite à sa plus simple expression avec une allumette sur fond blanc.
Finalement cet aspect réducteur nous amène à nous concentrer un peu plus sur la musique. C'est donc plutôt une bonne chose.
Première bonne nouvelle : le son Rammstein est bien encore là, 24 ans après "Herzeleid". Les riffs saccadés, les éléments électro et la voix si reconnaissable de Till. Deuxième bonne nouvelle: la production est énorme et pour la première fois, ce n'est pas le fidèle Jacob Hellner qui a géré les manettes en studio mais le Berlinois Olsen Involtini. Ce dernier n'est pas étranger de la maison Rammstein puisque c'est lui qui a arrangé les cordes sur "Mutter" et "Reise, Reise". Il a également réalisé quelques remixes de singles tels que celui de "Amerika" et "Haifisch".
A ce stade, inutile ici de commenter les deux premiers singles déjà diffusés, "Deutschland" (le clip vidéo a atteint près de 50 millions de vues à ce jour) et "Radio" (27 millions de vues à ce jour). Concentrons nous sur les 9 autres titres.
"Zeig Dich" démarre avec un choeur d'opéra et la suite, c'est du pur Rammstein (couplet basse / batterie / clavier suivi d'un refrain heavy) à l'exception des guitares qui sonnent moins massives et un solo de basse en guise de pont, plutôt assez atypique pour le groupe.
Le titre le plus étonnant de ce nouvel opus est incontestablement le dance metal "Ausländer". Des claviers clairement inspirés de la scène tech dance, un bpm à 125 et un refrain qui fait référence aux rencontres sexuelles à l'étranger: "Je ne suis pas un homme d'une nuit, je ne resterai pas plus d'une heure ou deux, avant que le soleil ne rit encore" avec un partie multilangues ("Mi amor, mon chéri, ciao ragazza, take a chance on me, Mon amour, Ya lyublyu t'ebya, Come on baby, c'est (c'est c'est) la vie"). Même si certains trouveront l'exercice un peu limite, il n'y a pas de mal à mélanger les genres et sur "Ausländer" Rammstein le réussit plutôt bien.
Alors bien sur, les gros riffs habituels sont au rendez-vous sur "Sex" mais aussi sur le sublime "Tattoo" qui aurait pu paraitre sur "Herzeleid" ou "Sehnsucht" à coup sur."Weit Weg" engage le refrain sur des guitares en mode phaser et clavier qui sonne comme un orgue Hammond. Assez atypique pour Rammstein.
Les titres un peu plus lents sont au nombre de quatre:
- "Puppe" démarre avec de sublimes arrangements en arpège et son clair. Les grosses guitares apparaissent sur le refrain alors que Till crie "Et puis j'arrache la tête de la poupée, puis j'arrache la tête de la poupée, oui, je mords le cou de la poupée, je ne me sens pas bien" titre qui fait référence à la folie humaine.
- "Was Ich Liebe" ("Ce que j'aime") est plus aérien et plus sombre à la fois. Le mur de guitares de fond est mélancolique à souhait sur le refrain. L'esprit de Marilyn Manson n'est pas très loin.
- "Diamant" est probablement le titre le plus lent: guitare classique en arpège, violon, claviers, pas de batterie. Probablement le titre le moins réussi de l'album.
- "Hallomann" est le plus heavy des 4 titres lents avec un refrain à la "Mutter" avec un pont apocalyptique aux gros riffs et solo de clavier. Du Rammstein, quoi !
Alors oui ! Rammstein revient en pleine forme. Le sextette allemand réussit à nous livrer du Rammstein avec une part de risque assumé plutôt réussie ! Et on en redemande. Du très très grand Rammstein, puissant et osé !
La Chronique de Hell Haine
C'est dans l'ambiance feutrée du Silencio, club de David Lynch, que quelques privilégiés ont pu écouter en avant-première le nouvel album de Rammstein qui sort le 17 mai sous le sceau du secret, les téléphones sont pris à l'entrée et il nous reste à sortir nos papiers crayons pour cette seule et unique écoute.
C'est un verre à la main que nous prenons place sur les banquettes avec en fond le clip de "Deutschland" pour nous mettre dans l'ambiance.
Les décibels montent un peu et c'est sans transition que l'écoute commence.
Le groupe nous a déjà gratifié de deux singles "Deutschland" et "Radio" qui ont fait polémique... (hey on parle de Rammstein oui ou non!?)
L'une comme l'autre sont des chansons de Rammstein sans en douter. Bourrées d'auto-réferences que ce soit dans le clip que dans les morceaux eux-mêmes, si c'est deux morceaux ne sont pas des surprises, ils sont calibrés pour la scène et nul doute que l'on aura envie de gigoter du popotin en les entendant en live.
Du pêchu, il y en a. L'album continue avec "Zeig dich" qui nous gratifie d'une intro de chœurs wagnériens, mais rapidement, les bpm augmentent et la machine Rammstein se met en marche. Dans l'ensemble, on a affaire à du bourrin tant au niveau de la batterie et Christopher "Doom" Schneider frappe comme un robot, précis et fort, que des guitares qui écrasent parfois tout sur leur passage.
De l'électro, il y en a aussi. D'"Auslander", à "Tatoo" en passant par "Weit weg", on retrouve les années 80 et 90 en grosse influence. Back to the roots, on semble parfois plonger dans le Live aus Berlin avec un Carpenter Brut qui aurait mis une petite touche par ci par là. "Was ich liebe" si elle est moins électro au sens dansant du terme, elle reste très synthétique.
De l'inquiétant, bien entendu, ils en ont mis !
Les ambiances à la limite du glauque sont bien présentes. "Puppe" malgré une intro douce et intimiste, nous ramène rapidement dans une atmosphère lourde et désespérée et le phrasé de Till nous donne envie de crier "Wilkommen...in der Dunkelheeeeiiiiit".
Du subversif, en veux-tu en voilà. Un "Sex", parce qu"il en fallait bien, les déclarations d'amour multilingues de "Auslander", du romantisme dans "Diamant", les teutons sont comme tous les hommes portés par ...l'amour, ah toujours l'amour !
De la balade et oui aussi ! Certes, si leur spécialité c'est plutôt les gros riffs en guise d'arme de destruction massive, Rammstein sait aussi faire dans la douceur (parfois relative certes). Avec des recettes simples, la profondeur de la voix de Till et une belle orchestration, ils arrivent à faire des morceaux presque poignants comme "Diamant". Court mais intense !
Halloman qui clôt l'album, se veut aussi calme peut être un peu trop pour un dernier morceau, un peu trop qu'on l'oublie trop tôt...
Cet album, après toutes ses années d'attente marque l'ultime (?) retour de Rammstein. Une impression d'album hommage à eux-mêmes, presque d'album posthume. S'il ne présente aucune surprise majeure, il sonne comme un album de Rammstein. Les vrais fans seront ravis, les autres passeront leur chemin.
Au fait, l'album s'appelle Rammstein !
La Chronique de Fred H
Une décennie. Il aura donc fallu patienter 10 piges pour que le successeur à « Liebe Ist Für Alle Da » voit enfin le jour. Bien sûr, entre ces 2 opus, on a eu le droit à quelques kolossales tournées de R+, à 2 skeuds de Emigrate de Richard Z. Kruspe et aux incartades solo de Till (son projet Lindemann avec son pote suédois Peter Tägtgren ou les duos avec le compatriote rappeur Haftbefehl ou la française Zaz (gloups !?)). N'empêche, ce n'est pas Rammstein.
Prétendre donc que ce septième album, que l'on qualifiera d'éponyme car dépourvu de nom, était attendu est un doux euphémisme. En seulement quelques jours, le premier single ('Deutchland' et son clip/court-métrage des plus controversé), offert quelques semaines avant la sortie du méfait long format, a rapidement battu tous les records. Entrée immédiate en de très bonnes positions de divers charts, millions de vues et de téléchargements... Bref, carton plein. Dès le titre d'ouverture, la patte (on peut même dire les grosses paluches) et les gimmicks des allemands se reconnaissent immédiatement. On sait où on met les bottes. Le rouleau compresseur teuton écrase tout à grands coups de riffs mammouths et de beats technoïdes martelés façon Grosse Bertha. Le bulldozer germain balance ses rythmiques martiales avec ce son de grattes monstrueux renforcé par une prod' maousse costaude (goupillée par Olsen Involtini et le groupe himself).
Maître de la Neue Deutsche Härte, le sextuor défouraille des compos metal indus ultra-directes bardées d' arrangements électro imparables ('Tattoo'). Des trucs à vous mettre KO débout. Le pilonnage en règle de nos esgourdes ensablées est assuré. A l'instar des opus précédents (les Piafferies de 'Fruhling in Paris', 'Moskau', 'Te Quiero Puta!',...), Till nous refait le coup des phrasés dans d'autres langues que celle de Goethe (le tubesque 'Ausländer (NdT : Etranger)' avec ses « mi amor ... mon chéri » par ci et ses « come on baby ... c'est la vie » par là). L'adhésion scénique semble garantie dans bons nombres de pays.
Pas facile de résister à ces refrains « faciles », simples au possible et pourtant diablement entêtants (les futurs classiques 'Sex' et 'Radio'). Comment ne pas se déboîter les cervicales non plus à l'écoute de ces mots scandés à pleins poumons ('Deutchland' et ses petits clins d'œil au passé ('Du Hast', ..) glissés avec malices) ou lors des chœurs épiques façon opéra ('Zeig dich (NdT : Montre-toi)') ?. Du bon Rammstein pur Schnaps tout ça.
On en à l'habitude, le poids lourd Outre-Rhin contrebalance ses chansons furieuses par des titres plus lents, plus lourds et plus sombres. Avec son timbre râpeux et guttural bien connus, le charismatique frontman fait une déclaration d'amour à sa belle (la ballade 'Diamant') ou se montre plus angoissant. Les textes à double sens, avec toujours cette pointe de cynisme et de provocation, sont une fois encore présents. Les murmures et la mélancolie se conjuguent. L'ambiance se fait dérangeante, pesante ('Puppe (NdT : Poupée)'), glauque même ('Hallomann').
Entre le discours de Richard Z. Kruspe (augurant la séparation définitive de la formation à l'issue de la future et gigantesque tournée à venir) et les propos plus tempérés du chanteur (« Nous avons travaillé si dur, nous avons tellement de chansons, que nous sommes prêts pour le prochain album »), difficile de dire si la galette que nous tenons là est bien la der des ders ou non. On peut donc penser qu'un ultime effort - avec les inédits issus des sessions d'enregistrement - pourrait débouler d'ici quelques temps (dans un même esprit qu'un « Rosenrot » livré un an après « Reise, Reise » sur les bases des fonds de tiroirs du quatrième album). Qui sait ?.
A la finale, d'aucuns reprocheront probablement à Rammstein de ne pas réinventer la roue avec quasiment aucune prises de risques tout en reconduisant leur tambouille musicale à l'efficacité éprouvée. Reconnaissons toutefois que cet album sans nom possède suffisamment de morceaux plutôt solides (les singles déjà sortis n'ont pas été choisis au hasard) pour ravir et combler les fans du combo qui n'avaient plus de doigts à force de se ronger les ongles dans l'attente de cet opus tant désiré. Alors, comme le suggère la minimaliste pochette (une seule allumette sur un fond blanc), allumez la mèche pour un nouveau Bang Bang.