«Force est de reconnaître que cette galette regorge d'idées et ne souffre d'aucune faiblesse notable, chaque morceau ayant ce petit goût acidulé de reviens-y qui force le respect.»
Avant toute chose et ce point est rédhibitoire, ceux qui ignorent où est la Moldavie sont priés d'aller compulser un atlas illico, les autres, les gens de bien, les érudits, les géographes en herbe, et tous les élèves de la 5°B qui furent attentifs au cours de géographie de Madame Bertier, sont autorisés à lire cette chronique. La Moldavie, disions-nous donc, coincée entre l'Ukraine et la Roumanie et assurément plus connue pour son vin rouge que pour ses groupes de metal, vient l'air de rien de se rappeler à notre bon souvenir avec le nouvel album d'Infected Rain. Vous ne connaissiez pas ? C'est une erreur mais ce n'est pas encore une faute.
Déjà auteur de 4 albums plutôt caloriques, le quintette de Chisinau rouvre les hostilités avec ce ''Ecdysis'' dont on dit dans les milieux informés qu'il tourne en boucle chez les descendants distingués de Vlad l'empaleur. L'information est croustillante mais ne serait pas farfelue au regard de la férocité animale contenue dans cet opus moldave.
Groupe à furie, Infected Rain possède en son sein une certaine Elena ''Scissorhands'' Cataraga qui conjugue à une plastique plus qu'avantageuse un organe vocal des plus remarquables. Atout majeur d'une formation solide en tous points, elle screame, rugit et vocifère comme si sa vie en dépendait. En effet, même si elle n'atteint pas toujours l'intensité de Tatiana Shmayluk, hurleuse en chef chez Jinger, Dame Cataraga sait judicieusement jouer de sa voix versatile pour ornementer les enchevêtrements syncopés de ses velus compères. Le résultat est garanti et fleure bon l'hystérie classieuse.
Chant clair, scream, nappe éthérée, chuchotement félin, les amateurs de chant féminin testostéroné en auront pour leur argent et pourront se jeter sans hésitation sur 'Everlasting Lethargy'. Ceci fait, ils se vautreront avec délectation sur 'The Realm of Chaos' pour subir l'assaut conjoint de deux sauvageonnes pour le prix d'une, Heidi Shepperd de Butcher Babies ayant été invitée pour l'occasion à pousser la chansonnette. Gageons qu'ils en ressortiront tout ébouriffés au vu de la performance des deux accortes créatures.
Si Elena Scissorhands est en apparence le joker incontournable d'Infected Rain, ses acolytes ne sont pas pour autant là pour amuser la galerie (fût-elle des horreurs) et se chargent de tisser une merveille de toile bien poisseuse dans laquelle viendront s'emmitoufler les victimes consentantes de la belle. Le groove, aux influences parfois korniennes, est massif, étouffant et se trouve fréquemment couplé à une touche électronique pas inintéressante, l'entêtant et mainstream 'Showers' en est l'incarnation parfaite. Dès lors, même si tous les ingrédients, notamment certains passages en chant clair clairement anecdotiques, ne feront pas toujours l'unanimité (Nine, Ten), force est de reconnaître que cette galette regorge d'idées et ne souffre d'aucune faiblesse notable, chaque morceau ayant ce petit goût acidulé de reviens-y qui force le respect.
Alors maintenant que vous savez placer la Moldavie sur une carte, il ne vous reste plus qu'à goûter aux douceurs locales et ce d'autant plus que la météo prévoit une perturbation colossale à venir avec au programme de bonnes averses de pluie... infectée s'entend. Trouvez-vous donc un abri et profitez-en pour réviser votre géographie. Le lundi de la rentrée, c'est confinement ou interro.