La démarche peut s'entendre, il s'agit sans doute d'évoluer tout en flattant un auditoire plus large, mais la sauce est un peu fade et n'affole pas des papilles pourtant toutes prêtes à s'exciter, surtout quand on sait de quoi ce groupe est capable.
Il fut longtemps admis que le France n'était et ne serait jamais une terre de métal. Les Pythies, tout auréolées de leur mythologique aura, s'étaient mises pour le coup un gros doigt dans leur bel œil. En effet, si d'autres contrées sont assurément plus prolifiques, la patrie de Voltaire peut s'enorgueillir de posséder quelques fleurons bruitistes de premier plan. Gojira, Dagoba, Lofofora, Mass Hysteria, les vétérans d'ADX, de Titans sans compter une scène plus confidentielle qui bruisse méchamment, le peuple métallique hexagonal serait mal placé pour se plaindre.
Mais c'est le cas Dagoba qui nous intéresse ici avec la sortie de ''By Night''. Une dose de Death, une bonne pincée d'Indus, une once généreuse de Cyber, le quatuor assume se situer au carrefour d'influences diverses et reconnaissons que cela semble jusqu'à présent lui réussir puisque qu'il peut se prévaloir d'une longévité enviée par bon nombre. Une question peut alors se poser, les gars s'adaptent-ils, évoluent-ils, transigent-ils ou se font-ils tout simplement plaisir en cherchant la recette du moment ?
Il se pourrait que la réponse englobe toutes ces problématiques à la fois. Globalement puissant et parfois très clairement mainstream, l'univers des Marseillais coche de nombreuses cases et c'est peut-être cela qui, au bout du compte, explique quelques froncements de sourcils un brin dubitatifs. Les moyens sont clairement là, la production est léchée et les morceaux envoient leur décharge de plomb avec un professionnalisme indéniable. Alors qu'est-ce qui cloche ?
Il s'agit en fait de petits détails qui, mis bout à bout, laissent comme un petit goût d'inachevé : de prime abord, les gimmicks électros, omniprésents, pas toujours aussi percutants qu'il le faudrait et surtout parfois tout bonnement anecdotiques car n'apportant pas la plus-value escomptée, les refrains ensuite, en chant clair, moins incisifs qu'on ne le voudrait et qui s'efforcent en vain de faire décoller le bombardier Dagoba dont on connaît pourtant le potentiel de destruction. Remarques de grincheux me direz-vous... à voir. 'Sunfall' est à mon sens l'incarnation de cette ambivalence : un prélude électro pas franchement indigne mais pas franchement transcendant non plus, un couplet solide et féroce puis pchitt... un refrain quelconque ou du moins, soyons moins définitif, vraiment pas à la hauteur des espoirs affichés. Les pistes suivantes, 'Summer's Gone', 'The Last Crossing' reproduisent à peu près le même schéma, à l'aise dans la bastonnade et le tir de barrage, Dagoba semble cependant coûte que coûte vouloir gagner en accessibilité en domestiquant sa brutalité originelle. Le choix interroge et les mélodies, sans être scandaleuses, peinent à déclencher l'enthousiasme.
Le single 'On The Run' est à ce titre un autre exemple révélateur de cette volonté d'expérimenter ou de se ré-inventer, c'est au choix. Coupler un chant féminin à celui de Shawter n'était pas en soi une mauvaise idée, à l'écoute pourtant, ça ne prend pas, l'ensemble est sage, beaucoup trop sage. Désolé. La démarche peut s'entendre, il s'agit sans doute d'évoluer tout en flattant un auditoire plus large, mais la sauce est un peu fade et n'affole pas des papilles pourtant toutes prêtes à s'exciter, surtout quand on sait de quoi ce groupe est capable.
Les aficionados seront peut-être plus indulgents et apprécieront l'effort du quatuor, les autres pourront tout de même jeter une esgourde à cette galette et se feront leur opinion. Votre serviteur, quant à lui, s'en retournera à ses études et remisera sur sa vieille platine les Moldaves d'Infected Rain avec lesquels d'ailleurs, les quatre de Dagoba tourneront cette année. Sans rancune et bonne tournée.