Jerry Cantrell est un gars qui aime la discrétion et surtout prendre son temps. La plus récente sortie discographique du co-guitariste et co-vocaliste d’Alice In Chains (avec William DuVall) remonte à 2018 avec justement son combo référence (l’excellent « Rainier Fog »). En solo, cela faisait presque vingt piges que l’étasunien n’avait rien publié (« Degradation Trip » remontant en 2002).
Quoi qu’il en soit, en cette fin de 2021, le natif de Tacoma est de retour avec un troisième effort sous son blase. Pour l’épauler, l’américain s’est entouré de tout un tas de copains musiciens. Se croisent ici Gil Sharone (ex-The Dillinger Escape Plan) et Abe Laboriel Jr. (Paul McCartney) aux baguettes, Michael Rozon à la pedal steel guitar, Vincent Jones aux claviers-orgue-wurlitzer, Duff McKagan à la 4-cordes (Guns N’ Roses), Jordan Lewis au piano, Matias Ambrogi-Torres aux cordes, ainsi que Lola Bates et Greg Puciato (Killer Be Killed, ex-The Dillinger Escape Plan) pour quelques chœurs. En voilà du beau monde, n’est-il pas ?
L’équipe technique n’est pas mal non plus. Outre Joe Barresi (Tool, Queens Of The Stone Age) au mixage et Paul Figueroa (pote de longue date de Jerry) au son, c’est le compositeur de musiques de films Tyler Bates (« Sucker Punch », « John Wick 1-2-3 ») qui s’est chargé de la co-production (avec mister Cantrell évidement). En plus d’œuvrer aux manettes, celui qui a déjà bossé avec Marilyn Manson (« The Pale Emperor » en 2015) s’est aussi occupé ici et là de quelques parties de grattes, cordes, et percussions.
Une fois tout cela dit, que (re)trouve t-on sur ce « Brighten » ? Assez logiquement, on a le droit à des sonorités et des gimmicks qu’ont pourraient entendre avec Alice In Chains. Ici un chant doublé, là des phrasés prolongés si caractéristiques du monsieur (l’envoûtant 'Atone'). Les mélodies sont toujours aussi travaillées et entêtantes ('Nobody Breaks You'). Le ton est globalement plus optimisme, plus enjoué même qu’avec AIC. L’œuvre se veut vraiment collégiale (l’électrique 'Had To Know'). Les chœurs sont nombreux et bien amenés. Evoluant habituellement dans des débits vocaux énergiques voire violents, Greg Puciato est présentement tout en retenu pour mieux se mettre aux services des titres auxquels il participe ('Brighten'). Quelques délicieux chœurs féminins s’invitent aussi (l’acoustique 'Black Hearts and Evil Done'). Beaucoup de classe tout cela (l’atmosphérique 'Siren Song').
Dans son périple mêlant grunge et « classic » rock aux inspirations 70’s, notre quinqua nous fait aussi vagabonder en contrées folk ('Prism of Doubt') et blues (l’accrocheur 'Dismembered').
Pour clôturer sa galette, Jerry revisite un des hits de Sir Elton John ('Goodbye' tiré de « Madman Across The Water » sorti en… 1971). Les deux hommes se connaissent pour avoir déjà collaboré ensemble (l’icône pop britannique jouait du piano sur le titre éponyme de « Black Gives Way To Blue » en 2009). Respectueux, Jerry aurait lui-même demandé l’autorisation à l’excentrique pianiste-chanteur pour reprendre la chanson. Sa version se veut aussi minimalisme et poignante que l’originale. Subtilement accompagné par des accords de piano et des arrangements de cordes délicats, Jerry emprunte sans singer les élancées du maitre anglais. Aussi beau que trop court.
Élégant à l’image de son maitre à penser, ce « Brighten » mêle intelligemment grunge, classic rock, folk, et blues. Même si l’attente fut longue, cela valait le coup de poireauter quasi vingt piges. Ceci dit mister Jerry Cantrell, si pour votre prochain effort, l’envie vous prenait de faire plus rapprocher, ne vous gênez surtout pas pour nous. A bon entendeur….