On quitte donc le quartier hautement touristique de Pigalle pour se diriger vers le 11ème arrondissement, non loin de République, au Gibus, rue du Faubourg du Temple.
La rue pavée est bordée de bars et de fast food et accueille le bar/salle de concert au fin fond d'une grande entrée au hall interminable. Direction au fond à gauche pour descendre les quelques marches me dirigeant vers l'entrée de la célèbre salle au volume impressionnant et à l'univers très glauque...j'adore. On peut clairement dire que nous sommes dans une cave, plutôt bien aménagée, mais qui reste une cave. C'est sombre, noir, le plafond est bas, un filet de lumière se dégage du long bar situé à gauche de la scène minimaliste, sur laquelle se préparent déjà les brésiliens Nervochaos venus remplacer au pied levé les blackeux norvégiens Nordjevel ayant annulé l'intégralité de leur tournée européenne (à mon grand désespoir).
Ce soir , nous sommes conviés à la tournée européenne de Belphegor venu défendre leur album tout fraichement sorti "Totenritual" via Nuclear Blast. Ce ne sont pas moins de quatre groupes qui vont se manifester ce soir malgré un changement de line-up, puisque ce sont les black/deatheux polonais Hate qui assurent le remplacement de Destroyer 666 ayant également annulé leur tournée avec les autrichiens ...
Seuls Enthroned et Belphegor restent sur la programmation originale et c'est donc cette affiche qui se produit ce soir au Gibus et pour le reste des dates européennes.
Je ne vous cache pas une certaine déception lorsque j'ai appris la nouvelle sur les réseaux sociaux, cependant, le public ne perdra pas au change et pour ma part, je vais même être très agréablement surpris et conquis par les deux groupes que j'attendais le moins ce soir.
Il est tout juste 18h00 lorsque Nervochaos foule la scène du Gibus,venu défendre leur septième opus "Nyctophilia" paru en avril dernier via Greyhaze Records.
La scène est assez petite et la proximité avec le public est plus qu'intimiste. Pas de crash barrière, c'est vraiment sur les aficionados, encore peu nombreux, que le quartet brésilien entame son set par “Shadows Of Destruction” de leur avant dernier album “The Art Of Vengeance”. Hormis le batteur Eduardo Lane, seul rescapé de la formation d'origine, c'est avec un line-up totalement nouveau que le groupe brésilien distille son thrash/death old school sur fond de satanisme.
Le chanteur, Lauro Nightrealm, envoie son texte et ses riffs avec rage et conviction parfaitement secondé par le bassiste Thiago Anduscias et la lead guitare, l'étonnante Cherry au look improbable (je vous laisse voir les photos sur le portofolio destiné au groupe).
Le combo enchaine les titres ponctués de courtes pauses au cours desquelles le frontman exprime sa joie d'être ici et de pouvoir faire cette tournée avec un groupe phare comme Belphegor. Le set est court, les brésiliens sont efficaces et vont interpréter huit titres de leur discographie en puisant essentiellement dans le dernier album "Nyctophilia" puis “The Art Of Vengeance” et "Battalions of Hate".
Le jeu de scène reste très basique, pas de décorations superflues, juste du bon death old school avec des artistes se prenant au jeu de leur musique et de l'ambiance s'amplifiant au fur et à mesure du déroulement du set. Tout comme les musiciens, le public headbangue en se bousculant légèrement, bras tendus, horns up à chaque prononciation de Satan dans les textes des sud américains.
Un set rigoureux au rendu sonore satisfaisant dans cette cave peu propice à une bonne acoustique. C'est la bonne surprise de la soirée qui laisse une belle empreinte au Gibus avant de laisser la place à l'autre bonne surprise de la soirée, Hate, les polonais venus prendre le relais de Destroyer 666.
Setlist: Shadows of Destruction / Ad Maiorem Satanae Gloriam / Moloch Rise / For Passion Not Fashion / Lord Death / Total Satan / Pazuzu Is Here / Funeral Rites

Il faudra patienter une bonne vingtaine de minutes avant de voir débouler le quartet polonais ayant également une actualité à nous proposer; le combo ayant sorti son dixième album, "Tremendum" au mois de mai dernier.
Compte tenu de l'étroitesse de la scène, la configuration scénique reste identique à leurs prédecesseurs brésiliens, le frontman/guitariste, Adam the First Sinner, occupant le devant de la scène et surplombant le public, positionné devant le batteur et accompagné du charismatique bassiste sur sa droite et du lead guitare à sa gauche.
Comme à l'accoutumée (à l'exception de Nervochaos), c'est avec le premier titre de la dernière galette, "Asuric Being", que le combo attaque son set de 3/4 d'heure au cours duquel nous sont proposés huit titres parcourant très rapidement la discographie chargée du groupe.
Le chanteur maquillé est d'une froideur redoutable; statique derrière son micro, il interprère ses chansons mécaniquement, seul le bassiste offrant un peu de fantaisie en headbanguant sans cesse et en tirant la langue de façon machiavélique pour le plus grand plaisir des fans (et des photographes).
Dès les premières notes, on sent que quelque chose ne sonne pas rond; il est difficile de reconnaître le titre interprété et cela ne va pas s'arranger au fil du set. Set consacré essentiellement à "Tremendum" puisque la moitié de l'album est joué occupant ainsi les 3/4 de la setlist.
Un bref passage par "Crusade:Zero" et "Anaclasis: A Haunting Gospel of Malice & Hatred" agrémentera la setlist de titres plus anciens, le groupe ayant choisi judicieusement de promouvoir le dernier opus.
Fan du groupe et ayant écouté le dernier album en boucle la veille pour me remettre dans le bain, j'ai eu beau me positionner à divers endroits du Gibus, je n'ai pas reconnu les morceaux interprétés, le son étant globalement brouillon.
Prestation que j'attendais avec impatience et qui pour ma part, me réjouissait davantage que celle Destroyer 666, ce show n'est pas à la hauteur de mes attentes, ni de celles du groupe qui nous avait scotché l'an passé au Secret Place de Montpellier, salle comparable à celle du Gibus.
Nous mettrons donc ce show médiocre sur le compte d'un mauvais réglage et d'un remplacement de dernière minute d'un groupe ayant choisi d'interrompre sa tournée. Ce que je retiendrai, c'est que les polonais sont venus faire le job sur une tournée à laquelle ils n'étaient pas conviés et malgré un rendu en-dessous de leur niveau, le public s'est amusé et s'est fait de plus en plus nombreux pour maintenant accueillir les belges Enthroned.
Setlist: Asuric Being / Into Burning Gehenna / Erebos / Valley of Darkness / Sea of Rubble / Walk Through Fire / Hearts of Steel / Hex

Troisième groupe de cette soirée qui en compte quatre et nous commençons à atteindre la tête d'affiche. Enthroned occupe une place de choix sur cette tournée européenne et n'aura pas décliné l'invitation à l'instar des deux autres groupes initialement prévus.
Connaissant peu le groupe et ne les ayant jamais vus en live, c'est sans à priori et avec une grande curiosité que j'attends la prestation du quintet belge.
Point d'actualité pour le groupe qui continue de tourner sur sa discographie au point mort depuis 2014 avec "Sovereigns" et qui débute son set avec le titre "Of Shrines and Sovereigns" (cinquième piste de l'album cité).
Serrés sur la scène, le combo déploie une énergie certaine, portée par l'excellent frontman Nornagest au crâne rasé, au visage maquillé et à la gestuelle engagée. Chaque parole est crachée avec rage et puissance, l'univers des blackeux est particulièrement bien retranscrit.
Distillant un black metal puissant et dévastateur, les titres choisis pour composer cette setlist sont particulièrement bien adaptés. De plus, le son ne fait aucunement défaut et c'est proche de la console son que je vais me délecter de l'univers musical des belges.
Bien qu'il y ait peu de place pour se mouvoir sur scène, chaque musicien tient bien son rôle avec son lot de mimiques adaptées à leur art.
Je reste impressionné par la prestation du frontman qui donne tout, opte pour une posture incantatoire au moment clé des chansons, les yeux révulsés comme possédé par le démon, les light rouges crachant sur son visage.
Le public massé sur le devant de la scène, prend la musique du quintet en pleine face et se laisse emporter au rythme de la setlist empruntée aux albums "Towards the Skullthrone of Satan", "Tetra Karcist", "Obsidium" et "Sovereigns".
Il est 21h lorsque le groupe termine sa prestation remarquable, le public est enjoué et s'impatiente de la venue de LA tête d'affiche, Belphegor, pour laquelle il va falloir patienter une grosse demi-heure avant de les voir débouler sur scène. Les autrichiens sont perfectionnistes, aucune erreur ne peut être tolérée.
Setlist: Intro / Of Shrines and Sovereigns / Nonvs Sacramentum - Obsidium / Through the Cortex / Ha Shaitan

Il est donc 21h30 lorsque le quartet autrichien foule la scène du Gibus dans un décor minimaliste mais efficace. Les micros sont ornés d'ossements et de crânes, les light ornant la scène confèrent une ambiance macabre et machiavélique; on sent que Belphegor n'est pas là pour amuser la galerie mais pour la dévaster.
Ayant assisté à la prestation du groupe au Hellfest en juin dernier, je reste sur une certaine déception et c'est avec un certain intérêt que j'attends ce concert.
Loin de la foule et de l'univers trop peuplé du festival français, cette salle du Gibus est parfaitement adaptée à l'univers que cherchent à transmettre Helmut et sa bande.
En tournée promotionnelle de l'album "Totenritual" paru au mois de septembre, c'est tout naturellement avec l'enchainement "Sanctus Diaboli Confidimus / Bleeding Salvation", que le groupe déploie sa rage satanique et blasphématoire. Connu pour ne pas mâcher ses mots et exprimer clairement ses idées au travers de sa musique dérangeante, Helmut prend place derrière son macabre micro, le visage maquillé de blanc, les yeus entourés de rouge dégoulinant. Magnant ses riffs acérés avec précision, c'est avec un regard dérangeant et inquiétant qu'il vocifère ses textes devant un public déjà hypnotisé par le charisme du frontman.
Toute l'attention est portée sur le leader qui fait honneur à sa position en jouant son rôle de Satan réincarné relayant au second plan ses musiciens simples instruments d'expression de son intellect.
S'appropriant une voix sordide au timbre emprunté à la personnification du seigneur Satan, telle qu'on peut l'entendre dans de nombreux films d'horreur old school pour annoncer les titres interprétés, la répétition du phénomène en devient caricaturale voire pathétique faisant qu'au fil du set, c'est plutôt l'amusement qui me gagne que la peur.
Hormis ce détail qui m'aura marqué et qui fait dommage à la longue, la setlist est cohérente et remarquablement interprétée. La moitié de cette dernière est consacrée à l'album du moment en y piochant cinq titres; les sept autres survolant la carrière des autrichiens en passant par "Goatreich - Fleshcult", "Pestapokalypse VI", "Conjuring the Dead et "Lucifer Incestus".
Le son est très bon, la prestation scénique parfaitement adaptée à l'univers du quartet et l'ambiance générée est froide voire glaciale à l'instar des albums du combo. On retrouve la même linéarité et la même précision de jeu qu'en version studio rendant le show ennuyeux au bout d'une demi-heure, situation que j'ai ressentie au Hellfest et lors de l'écoute de l'album pour le chroniquer. C'est tellement parfait que la complexité des compositions a un rendu presque binaire faisant passer les blasts de Simon "BloodHammer" Schilling pour une boîte à rythme... c'est dire combien le niveau des musiciens de Belphegor est difficilement atteignable mais ne fait preuve d'aucune émotion.
Le show n'en reste pas pour autant désagréable mais ne m'a guère plus convaincu que celui du Hellfest. Je pensais que c'était l'ambiance festivale de l'événement qui avait nuit à mon ressenti, c'est en fait l'univers du groupe qui est tellement parfait, qu'il en devient caricatural et ne laisse que peu de place à l'imaginaire de l'auditeur.
Setlist: Sanctus Diaboli Confidimus / Bleeding Salvation / The Devil's Son / Belphegor - Hell's Ambassador / Swinefever - Regent of Pigs / Totenbeschwörer / Conjuring The Dead / Pactum in Aeternum / Stigma Diabolicum / Totenkult - Exegesis of Deterioration / Lucifer Incestus / Baphomet / Diaboli Virtus in Lumbar Est

En résumé, cette soirée se solde par un ressenti mitigé avec deux belles surprises par les prestations de Nervochaos et Enthroned, une déception avec Hate et aucune surprise avec Belphegor qui reste fidèle à lui-même.
En revanche, je reste enchanté par l'ambiance de la salle, le public enjoué et passionné et la qualité d'interprétation des artistes qui se sont donnés à fond à chacun leur tour.
Le public fut conquis, le Gibus est un endroit parfait pour ce genre de concert et la date a plutôt bien marché pour un dimanche soir, veille de reprise du travail et c'est bien là l'essentiel.
Anibal Berith