Il y a trois piges, Marilyn Manson avait voulu mettre le Paradis à l’envers avec son « Heaven Upside Down ». Vu le titre qu’il a retenu pour son présent et onzième opus « We Are Chaos », le révérend aurait-il prévu de (re)foutre un peu le bordel ?
Pour brouiller un peu les cartes, en ce qui concerne la co-production de ce nouveau méfait, le natif de Canton (Ohio) à opérer un surprenant changement de partenaire. Exit Tyler Bates, compositeur de bandes originales de films (« Watchmen », « Sucker Punch », « Les Gardiens de la Galaxie », « John Wick ») et sixcordiste-comparse des deux derniers albums en date, et voici donc Waylon « Shooter » Jennings (musicien de country rock qui a raflé un Grammy Award pour la prod’ de la dernière galette de l’icône Tanya Tucker). Le rejeton de la légende Waylon Jennings et le God Of Fuck se sont rencontrés il y a déjà quelques années et devaient collaborés sur une chanson pour la série Sons of Anarchy. Bien que ladite compo n’a jamais été publiée, les deux lascars ont par la suite (2016) retravailler ensemble pour une reprise hommage à David Bowie (l’étonnante 'Cat People').
Ne craignez rien, le duo n’a pas accouché d’une galette de rock sudiste. Non, notre Pale Emperor n’a pas (totalement) abandonné la distorsion (l’explosif 'Keep My Head Together') et son registre de prédilection. On a le droit aux riffs metal indus familiers (le post-punk industriel 'Infinite Darkness' qui est également le nom de la peinture perpétrée par mister Marilyn en personne et qui fait ici office d’artwork au skeud). Le gout de la provoc’ cher à l’américain (l’entrainant glam-métal 'Perfume' où l’énigmatique et fantastique artiste invite Satan à « se tenir derrière » lui) est là également. Les ambiances dérangeantes (le sombre ouvreur 'Red Black And Blue') ne sont pas oubliées. Introduit par un monologue parlé plutôt inquiétant, le chant trafiqué et les paroles troublantes de MM (« Je suis le roi des abeilles et je détruirai chaque fleur » ?!) se mêlent aux guitares musclées et à une batterie martelante.
La TRES GRANDE influence qu’a eu le regretté interprète de Ziggy Stardust sur la carrière de notre antéchrist superstar est notoire. Construites sur des bases de guitare acoustique et de piano/claviers, l’aura de mister Bowie plane une fois encore sur quelques plages (la ballade mélancolique 'Paint You With My Love', l’atmosphérique et mélodique 'Half-Way & One Step Forward').
Pour le reste, MM se fait plus léger ('Don't Chase The Dead' et ses accointances 80’s et The Cure-esques). On est bien loin du grand cirque totalement déjanté des premières heures. Décidément, l’étasunien aime cultiver cette dichotomie entre ombre et lumière. Le gourou du goth-rock délaisse l’extravagance au profit d’une plus grande vulnérabilité (le joyau 'Solve Coagula' et son textes évocateur « Je ne suis pas spécial, je suis juste brisé et je ne veux pas être réparé »). Notre homme s’aventure même en contrées pop (l’addictive piste éponyme et son refrain entêtant « Nous sommes malades, foutus et compliqués / Nous sommes le chaos, nous ne pouvons pas être guéris »).
Difficile de trouver du vraiment mauvais sur ce disque tant l’ensemble est assez cohérent malgré le mélange mi-indus goth et mi-rock pop proposé. Avec ce « We Are Chaos », Marilyn Manson signe probablement sa livraison la plus diversifiée de sa discographie. On apprécie.