Le fer de lance de la musique progressive poitevine semble adopter un rythme soutenu de parution ces derniers temps. En effet, il ne s’est écoulé qu’un an entre « Meanwhile » (2023) et la nouvelle production du combo mené par Guillaume Bernard.
Et, alors que les propositions faites par le quintette depuis « The Dreamer’s Hideway » mettaient progressivement en retrait leur fibre métallique, la précédente livraison était revenue à un matériau quelque peu plus rageur, où guitares et voix lâchaient un tantinet la bride.
Il faut croire que ce retour ne fût pas concluant aux yeux de la bande à Guillaume Bernard et restera comme une singularité dans la discographie du groupe. Car les premières écoutes de " The Unseen" viennent confirmer un retour à des propositions plus délicates et subtiles.
En effet, les compositions exposées dans « The Unseen » s’appuient majoritairement sur des sons clairs, quand il ne s’agit pas de privilégier la guitare acoustique. L’écriture est basée sur le travail harmonique plus que sur l’exposition de riffs. Il s’agit bien ici de construire des suites d’accords arpégés plus que de véritablement faire taper du pied, de mettre en place des ambiances plus que de la pulsation.
Alors il reste toujours quelques éclairs d’énergie – notamment dès l’entame « Interlaced », lorsque Yann Lignier pousse l’étage de puissance des ses cordes vocales, en glissant subtilement de sa tessiture de tenor vers un quasi-rugissement – mais ceux-ci semblent contenu dans une matière plus ample, où la réverbération vient ménager de grands espaces. Ainsi, les distorsions du refrain de « The Unseen » restent feutrées, parfois presque étouffées, comme dans le pourtant tempétueux milieu du monumental « Spring ».
Le saxophone de Matthieu Metzger, de retour – à tout le moins plus présent – vient colorer l’ensemble au moyen de ses interventions très « freejazz », accentuant par contraste la beauté des progressions utilisées par les guitares et les claviers.
La basse, tout en contrepoint, est traitée comme un instrument à part entière, la production et le mix lui rendant vraiment honneur.
Le son de batterie, organique et ample, s’intègre parfaitement à l’ensemble pour imprimer le rythme de ce qui s’apparente à un véritable voyage musical.
Au final, là où « Meanwhile » pourrait parfois pêcher par un excès de rage qui jure avec la matière habituelle des poitevins, « The Unseen » retourne à ce que le quintette sait faire de mieux désormais. Il vient prendre l’auditeur par la main pour l’emmener loin du quotidien, et ralentir la cadence (« Slow Down », superbe). Selon le philosophe Théodore Jouffroy : « Il n’y a que l’invisible qui nous émeuve ». Avec « The Unseen », KLONE nous en fait une brillante démonstration.