«Jetez une esgourde (ou deux) attentive(s) à ce « The Elephants of Mars ». Qui sait, vous pourriez finalement vous délectez de certaines des quelques pépites présentes.»
« Shapeshifting », la dernière livraison en date de Joe Satriani est sortie mi-avril 2020… en pleine pandémie mondiale de covid-19. Compte tenu des restrictions sanitaires, plus possible d’aller défendre ce matériel sur les différentes scènes du globe.
Probablement frustré (ce qu’on imagine aisément) mais pas abattu, notre guitar-hero a décidé de mettre à profit les confinements forcés pour bosser sur du nouveau matos. Celui qui – il y a fort longtemps déjà - donna quelques cours de grattes à (entre autres) Steve Vai, Kirk Hammett (Metallica), Alex Skolnick (Testament), est de retour avec son dix-huitième opus « The Elephants Of Mars ». Des pachydermes (à la conscience développée en plus) sur la planète rouge ? En voilà un concept farfelu.
Quoi qu’il en soit, pour ce nouvel effort, le sixcordiste chauve à (re)fait appel à ses musiciens de tournée (le bassiste Bryan Beller, le claviériste Rai Thistlethwayte, et le batteur de session Kenny Aronoff). Face à la situation planétaire exceptionnelle, il a fallu adapter le processus de création et d’enregistrements du disque. Après avoir composé de son côté, Joe a donc transmis les morceaux à ses petits camarades disséminés dans différents pays. Chaque zicos a alors pu capter ses parties chez lui sans pression ou contraintes temps/couts imposées par des réservations de studios.
A l’écoute du présent opus, pas de doute, on reconnait immédiatement la « patte » du maitre ès manche. Ce/« Son » son de guitare compressé et saturé si identifiable ne trompe pas. Une fois encore (et depuis plus de 35 piges), armé de ses guitares signature (ses Ibanez JS Series) et de son arsenal de pédales à effets, « Satch » explore et repousse les limites de la musique instru. Distorsion, Wah-wah ('The Elephants Of Mars' et son ambiance S-F), Delay ('Sailing The Seas Of Ganymede' et ses échos), overdrive, … tout y passe ou presque. Entre les arpèges, les legatos (attaque de médiator …), les « phrasés » de gratte, les variations rythmiques, l’utilisation d’une douze cordes, … les idées fusent.
De styles variés, les titres évoluent en permanence. Rythmes funk ('Pumpin’', 'Tension And Release'), errances jazzy, arrangements électroniques ('Night Scene') ou symphoniques… difficile de cataloguer l’ensemble. L’étasunien a privilégié les accroches mélodiques (la rêverie 'Faceless', la douceur '22 Memory Lane', la plus mélancolique 'Desolation') et le groove (le blues électrique 'Blue Foot Groovy'). Partageur, Joe laisse beaucoup de place à sa section basse (bien présente)/batterie ('E 104th St NYC' 1973).
Afin de taquiner son producteur Eric Caudieux, le natif de Westbury à glisser quelques pizzicato (= pinçages de cordes) en se disant que – comme c’est souvent le cas – cela serait réduit voire supprimer lors du mix final. A sa grande surprise, tout a été conservé ('Dance Of The Spores'). Pour aller encore plus loin, l’homme aux manettes a lui aussi proposé tout un tas de trucs. Dixit notre virtuose « Nous avons essayé les idées les plus folles ». Changements d’accords, ajout d’accents orientaux/indiens ('Sahara', 'Doors of Perception'), chœur féminin, … ont ainsi été intégrés suivant les morceaux. Sur une piste, on trouve Ned Evett (guitariste et comparse pour le comic book « Crystal Planet », inspiré par le disque du même nom) qui a été convié à placer quelques vocaux ('Through A Mother's Day Darkly').
Même si les disques 100% instrumentaux ne sont pas trop votre came musicale, jetez tout de même une esgourde (ou deux) attentive(s) à ce « The Elephants of Mars ». Il vous faudra peut-être plusieurs écoutes pour tout intégrer, mais qui sait, vous pourriez finalement vous délectez de certaines des quelques pépites présentes.