« Il serait dommage de passer à côté d’un album aussi abouti que « The Center That Cannot Hold » qui démontre avec brio la rigueur et le sérieux que les musiciens de Replacire y ont investis. »
Depuis sa création en 2010 aux Etats-Unis, et plus précisément à Boston, Replacire n’a produit « que » trois albums : « The Human Burden » (2012), « Do Not Deviate » (2017) et « The Center That Cannot Hold » cette année. Au-delà des quelques changements de line-up, il suffit d’écouter l’une de ces trois créations pour mesurer à quel point les musiciens sont exigeants avec les œuvres qu’ils produisent. Comme un grand crû qu’il faut savoir attendre et mériter, profitons enfin de ce troisième opus.
Et quelle ouverture avec les premières mesures de ‘Bloody-Tongued and Screaming’ ! On est immédiatement cloué à son canapé (ou à tout autre endroit d’où vous écoutez cet album) et on se laisse prendre par la rythmique monstrueuse de Joey Ferretti avec une furieuse envie d’en entendre plus ! C’est d’ailleurs toujours lui qui ouvre les hostilités sur le titre éponyme qui parvient sans effort à cet équilibre entre complexité du Prog et efficacité du Tech, dans la lignée de groupes comme Fallujah, Rivers of Nihil ou encore The Faceless. ‘Living Hell’ poursuit dans cette veine avec des propositions particulièrement intéressantes de la part des guitaristes Eric Alper et Kee Poh Hock. C’est frénétique, c’est tourbillonnant, c’est un régal ; et le break est monumental !
Emportés par l’énergie apparemment sans fin de Replacire, nous continuons avec ‘A Fine Manipulation’, un magnifique exemple d’effort collectif qui permet à chaque musicien de briller parce que son travail met celui de ses compères en valeur. Jouant les bons élèves, ils vont même jusqu’à combiner des refrains entraînants à un pont superbe en passant par un chant clair spectral ; bravo pour cette composition qui se savoure d’un bout à l’autre et qui, par certains aspects, pourrait presque faire penser à du Vildhjarta. Mais les bonnes vieilles racines du Death Metal originel ne sont jamais loin, en témoigne ‘The Helix Unravels’. Soulignons-le ici – mais cela vaut pour l’ensemble de « The Center That Cannot Hold » – , la performance vocale de James Dorton est impeccable.
Parce que les membres de Replacire savent qu’il ne faut jamais se reposer sur ses acquis, ils nous offrent une ouverture en voix claire sur ‘Drag Yourself Along the Earth’, un parti-pris audacieux qu’on ne peut que se réjouir de retrouver tout au long du titre. Seul petit bémol, on aimerait sentir le chanteur aussi convaincu que lorsqu’il est en scream car la voix claire n’a pas à être synonyme de douceur dans la performance. La production assourdie d’‘Inglorious Impunity’ nous donne l’impression de manquer d’air alors que les guitares se pourchassent dans des soli démoniaques avant de revenir à un riff grondant sur les couplets. Dans une atmosphère plus sombre, ‘The Ghost in the Mirror’ ne peut que se distinguer, offrant par ailleurs une belle plateforme au bassiste, Zak Baskin.
Sur ‘Hoard the Trauma Like Wealth’, le groupe nous rappelle, si on l’avait oublié, qu’il sait parfaitement composer des morceaux faits pour qu’une fosse se déchaîne. Le groove de ce titre est d’ailleurs complété par un très beau passage purement Prog qui associe chant clair, chœurs, rythmique changeante et riffs hypnotiques. C’est dans le même esprit que Replacire nous propose ensuite ‘Transfixed on the Work’, prenant de plus en plus ce virage Progressive Tech mais sans jamais renoncer à la lourdeur intrinsèque au Death. Cette direction musicale laisse une grande liberté aux guitaristes qui ne semblent pas se faire prier pour en profiter. Espérons qu’il vous reste de l’énergie pour la conclusion, ‘Uncontrolled and Unfulfilled’, qui est géniale ! Il n’y a absolument rien à améliorer tant le morceau regorge de surprises, d’émotions et d’intelligence.
Il serait dommage de passer à côté d’un album aussi abouti que « The Center That Cannot Hold » qui démontre avec brio la rigueur et le sérieux que les musiciens de Replacire y ont investi. Et quoi de mieux que citer le guitariste Eric Alper pour conclure : « We poured all of our blood, sweat and tears into this album. It took years off my life. There were plenty of times where I wanted to quit. But I’m glad we didn’t, because this is our best album. Everything from the overall production down to the lead guitar parts took a step up. The tone is more serious. The songs are still techy, buy they’re also a lot heavier. I’m proud of us. » et il a toutes les raisons de l’être.