Menu principal
Accueil(current) News Live Reports Interviews The Wall Chroniques Groupes Concerts

Striped

ALDO
Journaliste

Ko Ko Mo

La perfection, c’est pas quand tu peux plus rien ajouter…c’est quand tu peux plus rien retirer !
12 titres
Rock
Durée : 43 min
Sorti le 25/10/2024
555 vues
L’effet de buzz autour des White Stripes aidant, la formule du duo a de nouveau la côte. Il n’est que de penser à Royal Blood, The Kills (pour les fans de Metallica présent au Stade de France en 2012) The Black Keys, ou pour parler de chez nous, les Inspector Cluzo ou encore Knuckle Head, pour se rendre compte du regain d’intérêt pour l’exercice.
Car d’exercice il est bien question ici. En effet, la limitation en termes d’instruments tend à réduire l’expression du groupe à une forme épurée, puisqu‘il faut bien faire avec juste un instrument percussif et un instrument rythmico-mélodique pour développer son propos. Cette limite amène à aller à l’essentiel, au nécessaire et suffisant. Après tout, les premiers bluesmen n’avaient bien que leur guitare (pourrie, le plus souvent…la Grande Dépression, toussa…) et leurs pieds tapant sur le plancher pour malgré tout vous emporter dans une transe dont seuls eux avaient le secret. Pour comprendre, il n'est que de s’intéresser à de vrais morceaux de bravoure roots comme « See my jumper hangin on the line » de RL burnside, dont le riff hypnotique, groovy et faussement simple vous tient par les burnes à l’infini…et sur UN SEUL accord, par-dessus le marché.
De fait, on retrouve un certain attachement à un son franc du collier, joué avec énergie et détermination, au minimum overdrivé, quand ce n’est pas bourré d’une fuzz bien grasse.

Et ce ne sont pas les petits frenchies de Ko Ko Mo qui vous diront le contraire : leurs concerts incandescents invoquent les Dieux du son grésillant et chaleureux façon 70’s et là aussi, vous mettent en transe en se collant sur un accord dont ils explorent les recoins pendant des heures…

On s’attend donc à trouver le même genre de tambouille à l’écoute du tout nouveau « Striped » qui nous intéresse ici : du riff bluesy/funky dans tous les recoins, du son de guitare bien chargé de basse (vu qu’il n’y en a pas pour donner du corps) qui grésille - « En même temps, chef ! » - sur une batterie qui tabasse à faire s'écrouler les murs…

Alors effectivement il y a de ça (le quasi cas d’école « Pleasure found »), mais il y a d’autres choses aussi. On trouve notamment des arpèges nimbés de tremolo (so vintage) qui explorent un côté plus gothique/ dark folk country de l’idiome rock (« Wheels of Fire » avec ses envolées vocales dans les aigus noyées de réverb et de delay, et ses chœurs chatoyants... ses guitares doublées à l’octave pour donner encore plus d’épaisseur…superbe ballade dark tout droit sortie d’un western spaghetti et traversés d’éclairs de fureur zeppeliniens). On vient aussi chercher les Beatles à la guitare sèche (« Bottle for Two », tout mignon), ou en mode électrique (« Dancing Alone », la plus longue pièce de l’album, qui se transforme en mélopée doom folk vers la moitié)

Et puis des fois, ça se met à tricher un peu, parce qu’on commence à entendre des pistes qui viennent prendre la place de la basse comme dans le poppy tendance Sheryl Crow « The fool » où on entend également des traits d’orgue Hammond, et où l’ami Warren Mouton vient taquiner vocalement Justin Hawkins de The Darkness.

Surtout, ça enfile les hits en développant des paysages sonores variés, tout à la fois festifs et puissants (« On the Run », qui va prendre le contrôle de votre derche que vous comprendrez même pas ce qui vous arrive ! ou encore le swinguant « Double Vision » qui embraye via un final heavy sur le vicieux et lancinant « Second Side ») et ça surprend même avec une escapade vers la new wave (le robotique et crépusculaire « Zebra ») et/ou la disco façon Moroder (« Don’t let me go », bien loin du blues, avec ses traits de synthés 70’s et sa batterie carrée comme la machoire de Schwarzie à sa meilleure époque)

On aura par conséquent deux réactions possibles à l’écoute de l’album.
La première consistera à simplement kiffer la puissance de la matière sonore travaillée par notre binôme, qui livre ici une très belle tranche de groove, de hargne et de fun avec un sens consommé de la baffe sonore instantanée.
La seconde, empreinte de recul, consistera à se demander par quelle astuce ils passeront pour restituer fidèlement toute cette tambouille en concert. Parce qu’à moins de jouer des claquettes avec une pédale de looper, de multiplier les appels aux samples et autres effets (la technologie fais des miracles de nos jours), il va bien falloir ré-arranger le foisonnement sonore de certains morceaux pour en tirer un essentiel jouable à deux en direct. Et c’est là qu’une goutte de sueur concentrant toute l’angoisse qui étreint l’auditeur vient perler le long de son épine dorsale : les morceaux n’en perdront-ils pas leur force ? Seront-ils toujours aussi bon ?

Et c’est peut-être dans ce contexte que la qualité de l’album se révèlera véritablement. Car comme le dit mon prof de guitare citant Saint-Exupery : « La perfection, c’est pas quand tu peux plus rien ajouter…c’est quand tu peux plus rien retirer ! ». En attendant, on kiffera jusqu'à plus-soif l’écoute de ce bijou.

s