Second Impression
Chozo Tull
Journaliste

FOG LIGHT

«Second Impression est un album de fusion qui manque encore de maturité et d'inspiration. A réserver aux fans du genre où à ceux qui écument l'underground.»

10 titres
Fusion
Durée: 41 mn
Sortie le 15/06/2018
4385 vues
Après avoir été longtemps reléguée à de la musique d'ascenseur un peu cérébrale, après avoir été une sorte de curiosité des 90's que l'on trouve sur des uploads VHS douteux sur Youtube, après avoir été probablement le seul genre de musique moins cool que le dad rock, la fusion a refait surface en trouvant parmi les jeunes guitaristes et autres musiciens en manque de héros modernes un public plus que bienveillant. Là où les grands rockeurs des années 90 et 2000 étaient plutôt du côté du pop punk et des power chords assénés sans vergogne, nous voilà avec des Tosin Abasi, des Guthrie Govan, des Alex Hutchings, et tous ces gratteux de la génération Internet en ont profité pour remonter le temps et découvrir Holdsworth, Gambale, McLaughlin et les autres. Le jazz fusion est devenu le nouveau genre des zicos, là où le metal prog type Dream Theater (lire : Rush) dominait auparavant.

Nous voilà donc avec le deuxième album de Fog Light, sobrement intitulé Second Impression, sorti en juin dernier. Le trio de barbus finlandais y sert un rock/metal instrumental fusion qui, si il est certainement dans l'air du temps, à du mal à se démarquer des autres groupes - car il ne suffit pas (ou plus ...) d'être technique pour s'établir sur la scène, il faut également du groove, une sensibilité mélodique, être capable d'alterner tension et relâchement avec goût. Et sur Second Impression, la Lumière de la Brume a bien du mal à montrer ces qualités.

Dès le début de l'album, l'auditeur sent une patte ''maison''. La batterie peine un peu à remplir l'espace, les cymbales et les hats sonnent un peu fragiles, le son de guitare oscille entre le chorus clean cliché et la grosse distortion qui parasite un peu le mix, comme une sorte de gros bloc sonore au milieu. Mais on ne peut pas complètement en vouloir à un groupe de ne pas sonner ultra professionnel. L'album a le son que l'on pourrait imaginer en regardant sa pochette : il y a un quelque chose de charmant devant cette production au final assez peu polie. Trois potes qui s'amusent à écrire leur musique de geeks, vous n'allez pas leur taper dessus quand même ?

L'album n'est hélas pas très réussi.

Il y a quelque chose dans Second Impression qui sonne décidément comme un pur exercice de style. La piste d'ouverture, ''Alkutila'', l'une des plus rock de la galette, donne immédiatement cette impression : c'est technique, mais pas fou non plus pour un auditeur habitué des groupes de prog/fusion, l'harmonie est un peu téléphonée, et le morceau ne donne pas vraiment l'impression d'aller quelque part. Les morceaux ont rarement une identité propre : ''Mystinen Viiksimies'' comme ''Aika'' ont un riff qui devrait sonner comme un gros groove sale, mais manquent d'inspiration et de piquant. On entend vite le désir de sonner ''comme'', de se conformer aux tropes du genres - sur ''Kylla/Ei'' comme sur ''Puun Ja Kuoren Valissa'' on entend un peu les Aristocrats, mais sans la jouissance du jeu entre les musiciens. Deux accords suspendus comme lit harmonique ? Check, mais sans réel timing intéressant ni exploration mélodique. Solo de basse ? Check (sur ''Aika''), mais il s'agit d'une démonstration technique qui n'a pas grand-chose à voir avec le morceau et se perd dans le n'importe quoi vers la fin. Et quand ce n'est pas le côté jazz fu qui laisse à désirer, c'est le côté metal qui a du mal à décoller : la rythmique de ''Naamion takaa'' ancre le morceau comme un boulet au lieu de lui conférer de la puissance (même si le break pompé à King Crimson fait sincèrement sourire), et le riff de fin est vu et revu (accords sus + distortion) le thème de guitare de ''Ei (ihmis) kontaktia'' n'arrive pas à convaincre (alors que le piano jazz du même morceau est un bon moment, dommage qu'on n'y ait pas à droit plus souvent !)

Au final, l'album est décevant. Il y a des courts moments où l'auditeur se réveille (le pont de ''Tarkista Tovus), mais ils sont isolés au milieu d'une musique qui a besoin de grandir à tous les niveaux pour s'imposer parmi un paysage musical où plusieurs groupes ont mis la barre très haut. Cela dit, si vous êtes fans du genre, cela vaut peut-être le coup de garder le groupe sur votre radar - la formation est encore jeune et pourrait bien nous surprendre dans les années à venir.