Sept ans après "Shadow Gripped", Cancer revient d’entre les morts avec "Inverted World", un album qui sent la moisissure des catacombes autant qu’il résonne avec la paranoïa contemporaine. Toujours hébergés chez Peaceville, les vétérans britanniques du death metal, dont il ne reste plus que le leader John Walker (maintenant installé en Espagne avec son récent line-up) livrent ici une œuvre rugueuse, dense, et étonnamment actuelle.

Dès les premières mesures de “Enter the Gates”, on comprend que Cancer n’est pas venu flatter la nostalgie. Certes, les racines old-school sont bien là avec des riffs secs, une batterie claquante, une voix bien caverneuse, mais le groupe insuffle à son écriture une conscience du chaos moderne. Le titre éponyme, “Inverted World”, en est la preuve en racontant une plongée dans une dystopie morale où les valeurs sont inversées, où l’ordre devient tyrannie.

La production, assurée par Simón Da Silva et mixée par V. Santura (Triptykon, Obscura), est étonnamment organique. Elle ne gomme rien de la crasse, et met en lumière la précision chirurgicale du jeu de John Walker et Robert Navajas. Les guitares suintent la tension, oscillant entre mid-tempos écrasants et accélérations sauvages, tandis que Gabriel Valcázar martèle ses fûts avec une efficacité brutale.

L’écriture de Cancer se veut narrative, presque cinématographique. “Corrosive”, inspiré du tristement célèbre « tueur à l’acide », prend aux tripes avec un riff rampant et une atmosphère suffocante. "Amputate", le single promotionnel, dont le riff entêtant, et le mid tempo asynchrone poussent à l'obsession avec son rythme hypnotique et son intensité grimpante.

"Inverted World" n’est pas qu’une redite ou un hommage. C’est un cri lucide, lancé par des musiciens qui ont survécu aux modes, aux cancers (littéralement) et à la disparition d’une époque. Le groupe n’essaie pas de rajeunir ; il vieillit avec grâce dans le chaos. Et c’est cette honnêteté, cette rugosité sans filtre, qui rend l’album si convaincant. C'est un album mature, sombre et puissamment ancré dans notre époque. Cancer ne cherche pas à plaire; il expose, il dérange, il écrase. Et dans ce monde inversé, c’est exactement ce dont le death metal a besoin.

Tracklist
1. Enter the Gates 05:09
2. Until they Died 04:37
3. Inverted World 04:11
4. 39 Bodies 05:00
5. Test Site 03:49
6. Amputate 03:58
7. When Killing Isn't Murder 05:01
8. Covert Operations 04:03
9. Jesus for Eugenics 05:15
10. Corrosive 03:13