Il n'est pas rare que les groupes de musique commencent comme cover bands, entre potes, à reprendre des morceaux à la cool dans un garage. Et puis, on fait quelque concerts de bar, on se lance dans la compo, advienne que pourra. Le piège des reprises, surtout dans un genre aussi codifié que le hard rock, c'est de se retrouver prisonnier de ses influences, incapable de défaire ses doigts et ses oreilles des réflexes appris auprès des grands qui nous ont précédé. N'ayez crainte, chers lecteurs et chères lectrices : si Black Mamba a commencé en se frottant à l'exercice des reprises, leur première galette est un concentré de pur plaisir rock, de performances énergiques données avec assurance, et surtout, de créativité !
''Heritage'' est clairement un album de hard rock, mais un album de hard qui regorge d'idées et d'envie de montrer ce que le groupe sait faire. L'album est mélodique, groovy ( ''Loop'') varie les tempos et même les signatures rythmiques (le début de ''Never Obey'' et son alternance de 7/8 et 4/4), les guitares sont saturées mais savent se faire clean quand il le faut. Le groupe est capable de passer du gros rock (l'intro de ''Heritage'') à des cocottes funk (''The Golden Cat''). Si on sent les influences ( Rush dans ''Lost in Translation'' par exemple), elles sont beaucoup plus détectables dans la philosophie du groupe que dans les compositions à proprement parler. On sent du Motörhead dans l'urgence des refrains, du System of a Down dans la juxtaposition de plans très énervés et de moments bien plus calmes. Mais ça sonne toujours comme du Black Mamba.
Le groupe se sert de l'esthétique power trio à son maximum, minimisant les overdubs (sauf quand il faut sonner large et fort au début de la première piste éponyme) et laissant à chaque membre la place nécessaire de s'exprimer. On a même droit à plusieurs solos de basse ! Oui, plusieurs ! Sur un album de hard rock en trio ! Non seulement les slaps rageurs de Cecilia Nappo sont clairement bienvenus dans un genre qui cantonne le plus souvent la basse au rôle de je-suis-les-fondamentales-du-guitariste, mais en plus les morceaux ne donnent pas l'impression de s'arrêter net (ce qui peut souvent être le cas, l'absence de la basse créant un trou harmonique). On sent que les membres s'entendent et que leur musique est organique. Et il ne s'agit pas que de solos hard - le joli et bluesy ''The Lie'' a également le droit à son petit chorus de basse. D'ailleurs, quand Cecilia ne donne pas dans la lead, elle sous-tend les morceaux avec goût et cela s'entend - le bridge de l'imposant ''Pills In The Sun'' ou les couplets de ''Loop''. Puisqu'on parle de solos, n'oublions pas de mentionner les belles performances de Irma Mirtilla, chanteuse et gratteuse, qui n'est pas en reste et offre des leads de très bonne factures, diverses mélodiquement et techniquement (''Loop'', ''Pills In The Sun'', ''Lost In Translation ...''. Respect, ça fait plaisir d'entendre quelqu'un qui est capable d'assurer à la fois au micro et au médiator. Les deux musiciennes semblent d'ailleurs affectioner les arpèges, qui reviennent souvent soit à la basse pour sous-tendre (''What Is Untold'') ou à la guitare pour des plans mélodiques (''Pills In The Sun'' encore). Irma Mitilla est d'ailleurs une chanteuse plus que compétente, et certains moments du disque me rappellent même le Nightwish old school dans les mélodies (le début de ''Heritage'') par exemple. Les choeurs apportés par Cecilia sont du plus bel effet.
Le disque n'est malgré tout pas un chef-d'oeuvre : les refrains sont parfois un peu poussifs, la batterie gagnerait peut-être à se faire parfois plus subtile (au même niveau que les guitares), et les mélodies vocales ne sont pas toujours des plus inspirées. Mais honnêtement, pour un premier essai, Black Mamba peuvent se féliciter d'avoir sorti un disque puissant et d'avoir marqué leur territoire sonore et stylistique immédiatement. L'album est une petite pétite à écouter de toute urgence pour tous ceux qui cherchent un peu de nouveauté dans l'océan de conservatisme musical qu'est le hard, ainsi que pour ceux qui souhaitent simplement se prendre une bonne baffe par un trio bourré de talent. J'attend la prochaine galette de pied ferme !