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Evolution
Baptman
Journaliste

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«Les américains ont atteint leur stade ultime d'évolution dans cet album très justement nommé, serait-ce le Black Album de Disturbed ? »

10 titres
Metal Core
Durée: 43 mn
Sortie le 19/10/2018
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La dernière livraison des aliénés de Chicago arrive 3 ans après un Immortalized qui avait fortement divisé la critique. Quand les uns saluaient avec enthousiasme une nouvelle dose de leur médecine préférée, les autres boudaient un peu le disque, lui reprochant de ne proposer aucune réelle évolution de style mais plutôt un enchaînement de titres, bons au demeurant, mais tous encore issus de la même recette éprouvée depuis des années dans les cuisines de l'Asile. Et pourtant l'album fut un grand succès commercial, bourré de hits et finalement certifié platine en janvier de cette année.

Comme une réponse sans équivoque adressée à ses détracteurs, les américains reviennent avec…Evolution. Un album qui ne cache pas ses ambitions de conquérir les masses et de rester dans l'histoire comme la pierre angulaire de l'héritage du groupe. Et surtout, de proposer enfin, cette « évolution » que beaucoup semblaient appeler de leurs voeux.

Avant de presser PLAY, attardons-nous un instant sur la pochette d'Evolution. La première chose qui saute aux yeux c'est l'absence étonnante de The Guy. La mascotte de Disturbed, cet anti-héros cagoulé au sourire inquiétant, l'archange vengeur, le justicier arrivé sur Terre apporter une juste punition aux criminels à la tête de notre monde et de la « Machine de Guerre », était jusque-là présent sur toutes les pochettes des albums du groupe, à l'exception de Believe en 2002. Visiblement, il a choisi de prendre des vacances bien méritées cette année. On le voit toutefois pour l'instant dans les lyrics video de The Best Ones Lie et In Another Time, sobrement vêtu de son célèbre manteau à capuche.

A sa place, se dresse une chaîne ADN traversée par un éclair de puissance dans un éclat bleuté. Une chaîne au sens propre du terme d'ailleurs, ses maillons étant plus métalliques que désoxyribonucléiques. Le logo du groupe a eu le droit à un relifting, avec une typographie sans serif futuriste, évidée et épurée, parée d'un très léger éclat qui rappelle les néons. Visuellement, Evolution marque une différence avec ces prédécesseurs et sort clairement de l'étagère.

La question se pose : cette différence visuelle va-t 'elle se confirmer musicalement ? Va-t'on assister à une véritable « évolution » de Disturbed, à une forme plus avancée de la formation et à une mutation de style issue d'un processus de sélection naturelle ? Le groupe a-t 'il éliminé certaines facettes de sa personnalité pour ne garder que les plus aptes à perpétrer son héritage ? A-t 'il toutefois conservé ce qui constitue…son ADN ? Pressons « PLAY » pour voir, Are You Ready ?

Ce qui ressort à la première écoute d'Evolution, c'est la redoutable efficacité de ses refrains. Le groupe a montré à plusieurs reprises qu'il était capable de produire des hits fédérateurs et porteurs. Mais sur Evolution, ils le font à un niveau encore inégalé. Je vous mets au défi de ne pas vous mettre instantanément à chanter en choeur sur A Reason To Fight, No More, In Another Time ou Stronger On Your Own par exemple.

Are You Ready et No More sont sans doute les deux titres les plus redoutablement efficaces. La double grosse caisse de Mike Wengren en double croches sur quasiment tout le premier titre et en triolet sur le refrain du second est pour beaucoup dans cette sensation de se laisser conduire. David Draiman est impérial du début à la fin, et Dan Donegan nous gratifie d'un solo dévastateur sur Are You Ready. Ces titres rentre-dedans et aux refrains fédérateurs placés en début d'album sont visiblement là pour ne pas perdre de temps et nous accrocher tout de suite. Pour une raison bien précise : la suite du voyage s'annonce pleine de surprises.

La grosse surprise d'Evolution justement, et qui constitue en même temps la grande nouveauté et la plus belle prise de risque de nos dérangés préférés, ce sont les ballades et chansons acoustiques. Le groupe n'avait pas caché son intérêt pour le genre par le biais de ses reprises, en particulier leur très personnelle version de The Sound of Silence de Simon & Garfunkel. Selon David Draiman, c'est avant tout les groupes classiques du rock et la nostalgie qui va avec qui ont motivé l'écriture d'Evolution. Et ça s'entend.

De fait, les ballades acoustiques occupent presque la moitié de l'album à elles seules : A Reason To Fight, Hold on To Memories, Watch You Burn et la très belle Already Gone. Et elles donnent chacune des frissons. On découvre à quel point David Draiman est un maître (s'il fallait encore le préciser). Il est capable de descendre dans des registres graves suaves sur Already Gone, de passer d'un ton intimiste à un refrain plein d'énergie sur A Reason To Fight.

S'il fallait s'arrêter sur une d'entre elles : Watch You Burn est une véritable perle. C'est le mariage parfait entre la diction et le timbre caractéristiques du frontman et une interprétation plus douce, toute en sensibilité. Les cordes à la fin ne font que renforcer l'aspect épique et majestueux du titre. Une vraie perle. On croirait entendre du rock progressif des 70s dans la veine de Genesis époque Peter Gabriel ou Yes remis au goût du jour de la meilleure façon.

Mais le plus beau dans tout ça, c'est que Disturbed n'a pas laissé de côté ses sonorités électro/industrielles : l'intro planante d'In Another Time par exemple, Are You Ready, The Best Ones Lie et le pont de Stronger On Your Own avec ses voix-off… Ces titres séduiront sans doute les fans de la première heure de Believe et The Sickness.

Niveau thèmes, on retrouvera, sans mauvais jeu de mot, les chevaux de bataille traditionnels de Disturbed : pour citer un exemple, No More est un cri de révolte contre la guerre et contre les leaders corrompus et belliqueux : No more defending the lies /Behing the never ending war / It's time to make them realize / We will no longer be their whore. On n'imagine pas autrement ce refrain que repris en choeur par 10 000 fans le poing levé, les pieds fermement ancrés dans la boue d'un festival. Mais le combat le plus difficile est souvent celui qui est intérieur. Ainsi, A Reason To Fight est un morceau plein d'espoir et de courage. Quand on sent que nos démons intérieurs sont en train de gagner, quand, découragés par plusieurs échecs, on est tenté de baisser les bras et d'abandonner la lutte contre nos vices, il y a toujours une raison de ne pas lâcher, de se battre jusqu'au bout : When the demon that's inside you is ready to begin / And it feels like it's a battle that you will never win / When you're aching for the fire and begging for your sin / When there's nothing left inside, there's still a reason to fight.

Le constat est certain : les américains ont atteint leur stade ultime d'évolution dans cet album très justement nommé. On les sent heureux, immensément fiers de leur nouveau bébé, plus proches les uns des autres que jamais. On imagine le plaisir qu'ils ont dû prendre à explorer leur nouvelle orientation en studio et la fébrilité qui doit être la leur à l'heure de présenter leur création sur les scènes du monde entier.

Ils sont aussi tous les quatre au sommet de leur art. On a déjà parlé de David, mais les trois autres ne sont certainement pas en reste. Mike nous montre l'étendue de son expressivité rythmique comme jamais auparavant. On a le droit à un mini-solo de batterie absolument démentiel dans Saviour of Nothing, à un jeu aux balais tout en douceur sur Already Gone et à un jeu aux fagots dans Watch You Burn et Hold On To Memories. Dan nous lance des solos venus du cosmos avec des sonorités électroniques, le travail sur les intros est à saluer, on pense notamment à In Another Time par exemple qui nous laisse un instant planer avant de nous ramener brutalement sur terre. Quant à John, son groove précis se ressent toujours aussi bien sur l'ensemble des titres. Rien à dire.

Evolution est un album très très puissant. On a du mal à trouver un titre qui soit en-dessous des autres. Chacun est là pour une raison bien précise et aucun, je dis bien aucun, ne donne l'impression d'être là juste pour finir de remplir les 10 pistes syndicales du dernier produit des ateliers Draiman & Co.

Serait-ce le Black Album de Disturbed ? David Draiman voit Evolution comme la forme ultime du groupe : « si ça devait être le mot de la fin pour nous, ça m'irait très bien » déclare-t'il. Et dans plusieurs interviews, il prend le risque de le comparer au monument de Metallica, pour la raison que, plus que tout autre album de Disturbed, celui-ci a le potentiel de rassembler les masses, au-delà de la fanbase traditionnelle du groupe, ou du style dans lequel ils ont « évolué » jusqu'à présent.
En tous cas, le pari semble réussi pour Disturbed. Cette « Evolution » est non seulement une vraie nouvelle orientation artistique mais surtout une vraie réussite musicale. Le groupe a un vrai potentiel acoustique, ce qu'on aurait eu du mal à imaginer encore quelques années auparavant. Et il est fort possible que cet album tout en nuances séduise un plus large public. Une belle réussite et un excellent album.

Disturbed viendra déranger L'Elysée Montmartre le 9 mai prochain. On a hâte de voir leur Evolution prendre vie.