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La Chronique de Fred H
Quel est donc le point commun entre les super groupes The Winery Dogs, Transatlantic, Flying Colors (une offrande live bientôt en approche), Sons Of Apollo, Metal Allegiance, le très récent BPMD et quelques autres ? Le batteur Mike Portnoy (ex-Dream Theater) bien évidement. L’infatigable et insatiable maître ès baguettes est présentement de retour avec son (énième) projet Morse/Portnoy/George.
Pour leur troisième rondelle en commun, baptisée « Cov3r To Cov3r » (quoi de plus logique après un « Cover To Cover » en 2006 et un « Cover 2 Cover » en 2012), le trio reconduit la formule du disque de reprises. A l’instar de ses prédécesseurs, ce méfait est axé sur des revisites de morceaux Pop Rock. Comme les fois passées, ce matériel inédit a probablement été commis en fin de session d’enregistrements d’albums studios du sieur Morse (son futur opus « Sola Gratia » paraîtra mi-septembre prochain). Hormis les américains Tom Petty et Lenny Kravitz, tous les autres artistes repris sont natifs du Royaume-Uni (Angleterre, Écosse et Pays de Galles). A l’exception justement des compos des deux étasuniens précités (qui datent de 1989), toutes les pistes choisies sont issues des années 70 voire tout début des 80’s.
Coté interprétation, vu les protagonistes en présence, il n’a rien à redire. C’est carré ('Tempted' de Squeeze). Tout est en place, chacun joue ses parties impeccablement. La triplette est respectueuse. Dès lors, ne vous attendez pas à des véritables réappropriations. Fidèles nos lascars ('Baker Street', le hit planétaire de l’écossais Gerry Rafferty et son emblématique solo de saxophone). Quand on connaît les versions originales, l’intérêt de cette oeuvre est donc un peu limitée.
Quoi qu'il en soit, pourquoi faudrait bouder son plaisir ? La voix chaleureuse de Morse nous séduit ('It Don't Come Easy' de Ringo Starr) tout comme son jeu de guitare subtil (l'énergique 'Runnin' Down A Dream' de Tom Petty et son solo endiablé). Mister Randy George, toujours discret, demeure bien présent (le tube 'Life on Mars' de David Bowie). Derrière son kit, Portnoy s'éclate ('Let Love Rule' de Kravitz) et réussit même à placer quelques roulements ici et là ('Black Coffee In Bed' de Squeeze). A les entendre, on se dirait presque que finalement jouer d’un instrument c’est hyper fastoche. Tu parles ?! On a même le droit à une petite sucrerie rafraîchissante avec une relecture des gallois de Badfinger ('Baby Blue') ici interprétée en duo derrière les micro par la paire Morse et Portnoy. Les plus mélomanes et les fans de Breaking Bad reconnaîtront d'ailleurs LA chanson qui clôture les 5 saisons de cette série culte.
Pour les épauler, nos briscards ont conviés Jon Davison. L’actuel chanteur de Yes prête donc son concours sur cinq plages (dont le tourbillonnant 'No Opportunity Necessary, No Experience Needed' de Yes période Jon Anderson (tiens donc), le 'Hymn 43' de Jethro Tull ou encore le 'One More Red Nightmare' de King Crimson).
Notons enfin que pour accompagner la sortie de ce troisième volet, le trio a choisi de publier un coffret nommé « Cover To Cover Anthology (Vol. 1 - 3) » qui rassemble l'ensemble des skeuds sortis jusqu’à lors. Pour l’occasion, les deux premiers efforts ont été ré-séquencés, remasterisés et ont bénéficier de nouvelles illustrations.
Clairement, cette 3e fournée de reprises perpétrée par Morse/Portnoy/George est une fois encore un hommage respectueux aux chansons et artistes qui ont façonnés le background musical de nos zicos chevronnés. Bien que ce « Cov3r to Cov3r » apporte(ra) peu à qui connaît/apprécie les compositions Rock pop originelles, l’exécution est irréprochable. Agréable à défaut d’être incontournable.
La Chronique de Baptman
Le trio Imperial Triumphant et son métal avant-garde arrive avec son quatrième album studio. C'est sous le label Century Media Records.
‘’Attention c'est technique !’’. Oui, le style d'Imperial Triumphant mélange les genres et nous assemble tout ça avec une dextérité majestueuse. De par le jazz, avec Kenny Growhoski et sa technique incroyable. Donc Exit les rythmes en 4/4.
'Rotted Futures' nous emboitera le pas pour nous emmener dans un véritable voyage musical qu'est ce disque. L'intro lancinante avec son côté mystique ne fera que d'aller crescendo au fur et à mesure que les cymbales claquent de plus en plus fort avant de décoller sur un rythme ternaire. La basse de Steve Blanco viendra débuter 'Excelsior' de façon psyché assez plaisante.
Des sonorités particulières de tous bords et même des plus surprenantes ? Oui. Tout va débuter sur 'City Swine', morceau sur lequel le groupe va incorporer du Wadaiko, un tambour traditionnel japonais tirant ses premières origines au Ve siècle de notre ère. D'ailleurs, c'est avec un invité de marque et ami de Grohowski que la magie va opérer sur ce break, puisque ce n'est autre que Tomas Haake (Meshuggah) qui a accepté l'invitation en studio pour jouer de cet instrument. Viendra ensuite 'Atomic Age', qui fera référence aux premiers déboires de la bombe atomique dans les années 40 et la grande guerre. L'intro de ce titre a été chantée par un ‘’Barbershop Quartet’’ , ces quatuors A Capella très populaires aux États-Unis dans les mêmes années que mentionnées plus haut, et aux techniques vocales impressionnantes. Le chanteur Zachary Ilya Ezrin a d'ailleurs déclaré en interview que c'est peut-être la première fois dans l'histoire que l'on entend ça sur un disque de métal.
Le moins que l’on puisse dire c’est que Neal Morse, Mike Portnoy et Randy George, compères depuis plus de 20 ans, sont des grands habitués des reprises (covers).
Chacune de leurs réunions, que ce soit pour des sessions d’enregistrement d’albums solo de Neal ou du Neal Morse Band, voire pour des albums de Transatlantic pour les 2 premiers, est prétexte, une fois les nouvelles compositions dans la boîte, à la production de plusieurs reprises de morceaux de groupes et d’artistes les ayant influencés. Portnoy déclarait à propos à nos confrères de Blabbermouth, aborder l’enregistrement des reprises avec autant de sérieux et d’impatience que celui des compositions originales ! « L’une des premières choses dont Neal, Randy et moi-même avons l’habitude de discuter lorsque que nous nous rassemblons pour l’un des albums solos de Neal, est de savoir ce que nous allons reprendre s’il nous reste du temps de libre à la fin des sessions ». Ces reprises étaient le plus souvent incluses en bonus dans les éditions collector desdits albums avec l’incontournable documentaire et making of.
Au-delà du studio, Morse, Portnoy et Randy, ensemble ou individuellement, ont pris l’habitude de reprendre sur scène des morceaux de leurs idoles. Ce, sous forme d’extraits-clins d’œil incorporés à un medley, ou carrément, dans leur intégralité. Parmi ces reprises live mémorables on pense à l’interprétation de The Return of The Giant Hogweed de Genesis en 2010 lors de la tournée de Transatlantic avec en invité de marque, Steve Hackett lui-même à la guitare ! ou encore les albums entiers repris par Dream Theater en concert à l’époque tels que Dark Side of The Moon, The Number of The Beast ou encore Master of Puppets. Ceux qui ont vu Neal Morse sur scène dans l’un ou l’autre de ses nombreux projets, savent que ses titres épiques sont propices à l’inclusion de nombreuses références musicales çà et là : dans The Whirlwind de Transatlantic en 2010, un très bref extrait de Highway Star avait été rajouté, et en 2015, lors de la 1ère tournée du Neal Morse Band, on avait pu voir le groupe reprendre un passage de Jet des Wings.
Enfin, ne parlons pas des multiples groupes de reprises (tribute bands) auxquels chacun a participé : Yellow Matter Custard (The Beatles) pour Morse et Portnoy d’abord. Ensuite pour ce dernier, Hammer of The Gods (Led Zeppelin), Amazing Journey (The Who), Cygnus and the Sea Monster (Rush) et tout récemment, BPMD (dont vous pouvez retrouver l’interview et la chronique sur ce site) : un groupe de reprises d’artistes américains de hard rock des 70s.
Et je ne mentionne pas non plus les innombrables hommages live ou studio rendus par nos 3 amis tout au long de leur carrière d’une impressionnante productivité : reprises de Rush avec un groupe de steel drums, reprises acoustiques à la guitare lors de shows intimistes…
La série des albums Cover To Cover dont il est question ici, regroupe toutes les reprises enregistrées par le trio jusque-là en y ajoutant des « inédites ». Ainsi le 1er Cover To Cover sorti en 2006, regroupe les reprises enregistrées pendant les sessions des albums Testimony (2003), One (2004) et ? (2005). Le 2ème recueil, Cover 2 Cover sorti en 2012 poursuit la série avec 12 nouvelles reprises. Enfin, à l’occasion de la sortie du 3ème recueil intitulé Cov3r To Cov3r, le trio nous gratifie de 11 nouvelles covers et d’une édition d’anthologie regroupant les 3 albums avec un nouvel artwork et un remaster des 2 premiers.
Cover To Cover Anthology (Vol 1-3) regroupe donc 3 albums de reprises, 36 titres pour près de 3h de musique au compteur.
Le choix des titres permet de se rendre compte de l’étendue de la culture musicale des 3 musiciens, une culture qui va au-delà du progressif, le genre dans lequel on les attend, bien sûr. Portnoy, qui déclare aimer tout particulièrement ces albums et les donner fréquemment à ses amis et sa famille, explique en effet son attachement à ces productions par le fait qu’elles montrent que lui et ses camarades ne viennent musicalement pas que du prog, ou du métal en ce qui le concerne. Au cours des 3 disques, il n’y a que rarement 2 titres du même groupe/artiste et si on retrouve des covers de morceaux prog comme One More Red Nightmare de King Crimson ou No Opportunity Necessary, No Experience Needed de Yes, on traverse surtout des classiques pop/rock comme David Bowie (Life On Mars), Paul McCartney (Maybe I’m Amazed), What Is Life (George Harrison), Cat Stevens (Where Do The Children Play), The Who (I’m Free/Sparks), Ringo Starr (It Don’t Come Easy) et j’en passe.
Tout cela est bien joli, mais au-delà du fan service et de la satisfaction pour les inconditionnels de Neal Morse et ses amis de les entendre reprendre des classiques, quel intérêt peuvent bien représenter des albums de reprises ?
Malheureusement, et même si chacun est libre d’en juger, force est de reconnaître que cet intérêt est fort limité. Déjà le concept d’album de reprises enregistrées en studio n’apporte que peu de nouveauté et de surprise, par définition. Si encore ces enregistrements étaient live ou encore mieux, s’il s’agissait d’une captation vidéo de ces titres interprétés sur scène (comme cela avait été le cas pour The Return of The Giant Hogweed cité plus haut) l’achat d’un album Cover To Cover et a fortiori de l’anthologie aurait bien plus d’intérêt. De plus, la production redondante des reprises, en tout point similaires à celle des albums studio de Neal et sa bande, fatigue rapidement l’oreille et double l’impression de déjà entendu. Enfin, même si tous les morceaux repris ne s’apparentent pas tous au style habituellement associé à Morse/Portnoy/George, à savoir le rock progressif, on reste sur des classiques pop/rock donc relativement proches du style de prédilection de nos 3 compères. Les entendre sortir un peu plus de leurs influences et s’essayer à des styles radicalement différents de ce qu’ils ont l’habitude de faire aurait été très intéressant. Pour toutes ces raisons, la série des Cover To Cover n’est à recommander qu’aux super fan de Morse/Portnoy/George qui en veulent toujours plus. Pour les autres, disons-le tout net, mieux vaut s’en tenir aux originaux et passer son chemin.
Le groupe n’est pas tant à blâmer pour cela que la nature du disque en lui-même en tant que recueil de reprises. Objectivement, si on juge l’exercice de reprise en lui-même, on ne peut dénier la passion avec laquelle le trio rend hommage à ses héros. S’il fallait positionner les covers sur un axe graduant la fidélité à l’original, les albums Cover To Cover seraient même dans la partie « fidèle » tant le trio s’est attaché à respecter la structure de leurs modèles en n’hésitant pas à rentrer dans les détails, par exemple recréer les bruitages de fin et la sonnerie impromptue de téléphone à la fin de Life On Mars.
La principale différence réside dans l’énergie et le punch apportées par un mix et une production moderne, au service d’une prestation sous adrénaline. Des morceaux comme I’m Free/Sparks déjà dynamique à l’origine (on parle des Who et de Keith Moon) sont ici complètement hors de contrôle. D’autres titres prennent plusieurs points de tempo comme Baker Street de Gerry Rafferty qui voit son refrain prendre une tournure radicalement plus dynamique avec une rythmique marquée à la cymbale crash (un choix contestable d’ailleurs). Sur certains titres, cette énergie débordante, à mettre sous le compte de l’enthousiasme sans doute, passe bien : One More Red Nightmare est par exemple un véritable terrain de jeu pour Mike Portnoy qui s’en donne à cœur joie à grand renfort de breaks de batterie ; mais sur d’autres, ça passe déjà beaucoup moins bien. Des titres comme What Is Life ou Life on Mars semblent gonflés au stéroïdes. On perd la fragilité initiale et pour beaucoup le résultat risque de paraître de mauvais goût. Bien sûr, reprendre des titres avec une telle aura n’est pas chose aisée, mais on aurait souhaité que le trio opte pour des arrangements plus épurés.
Un autre défaut important de cette série d’albums, inhérent au concept de compilation de reprises est l’uniformité de la production. Bien sûr, pour garder une cohérence de dynamique entre les pistes, il a fallu faire le choix d’une production globale pour tous les titres. Les 2 premiers Cover To Cover ont d’ailleurs fait l’objet d’un nouveau mastering pour coller à celui du 3ème. Mais le son « Neal Morse » de prog moderne façon InsideOut qu’on a déjà entendu sur tous ses albums depuis 2003, fatigue rapidement quand on l’entend sur 3 albums d’affilée et apparaît souvent complètement déplacé quand il est appliqué sur des morceaux éclectiques d’artistes et d’époques variées. Il est bien dommage que Neal et sa bande n’aient pas profité de l’occasion pour sortir de leur zone de confort et tester une nouvelle production, différente de celle qu’ils utilisent sur leurs propres compositions.
En conclusion, si l’on juge l’exercice de la reprise en soi, Morse/Portnoy/George s’en sortent bien avec leur talent d’interprète qui n’est plus à démontrer et leur sincère enthousiasme à rendre hommage à leurs idoles. Mais l’uniformité fatigante de la production et le concept même d’album de reprises ne rend malheureusement pas la série des Cover To Cover moins dispensable.