CITY OF THIEVES
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Hard Rock

Beast Reality
Baptman
Journaliste

CITY OF THIEVES

«Ces petits derniers de la scène hard-rock nous sortent un premier album diablement efficace !»

12 titres
Hard Rock
Durée: 43 mn
Sortie le 12/10/2018
3302 vues
Certains fonctionnent au café ou au Red Bull, certains se gavent de vitamines et de magnésium…et d'autres carburent au fuel, à l'alcool et au rock'n'roll. Avant même d'écouter Beast Reality, juste en admirant l'élégante sobriété de sa pochette, en reconnaissant le style typographique du logo que ne renierait pas un producteur de whisky du fin fond du Tennessee, et surtout en lisant le titre du 2ème morceau de l'album, on comprend tout de suite à quelle catégorie appartiennent les anglais survoltés de City Of Thieves.

Autant dire que les gars ne font pas dans le chichi et le marketing. Avec eux : « what you see is what you get », à savoir du vrai hard rock artisanal garanti sans additifs artificiels, qui sent bon la sueur et qui colle aux semelles.

Mais, avant de rentrer dans le vif du sujet, qui sont donc ces britons chevelus qui affirment haut, fort et en toute simplicité sur leur page Facebook : « se tenir la tête haute au-dessus du tas de cendres laissé par l'effondrement de la scène rock underground » ?

City of Thieves est un tout jeune groupe de hard rock formé au coeur de Londres en juin 2015. Ou pas si jeune que ça d'ailleurs. Le groupe affirme en effet avoir déjà eu auparavant 8 ans d'expérience sur la route, sous un autre nom à l'époque. 8 années passées à « jouer dans tous les bars rock crasseux entre Londres et Prague » rapportent-ils. D'ailleurs les londoniens se montrent assez chauvins et attachés à leurs origines. Quand on leur demande d'où vient le nom de leur formation, ils répondent avec un sourire : «de là d'où nous venons ! » La City of Thieves, c'est en effet Londres, la Londres corrompue par un corporatisme impitoyable qui a détruit peu à peu la scène musicale, un lieu où le mensonge et la perfidie rôdent à chaque coin de rue. Heureusement, 4 hard rockers ont juré de défendre fièrement l'héritage musical de la ville et consacrent désormais leur énergie débordante à restaurer sa gloire underground passée, avec toute l'authenticité qu'elle mérite.

La formation est à l'origine un trio de choc comprenant Jamie Lailey à la basse et au chant, Ben Austwick à la guitare et Will Richards à la batterie.
2015 voit la sortie de leur premier EP Incinerator (un titre que l'on retrouvera sur Beast Reality). C'est aussi cette même année qu'ils obtiennent leur premier grand coup de projecteur médiatique en se voyant programmer au Bloodstock sur la scène…Jagermeister. Tiens donc. 3 ans plus tard, cette année donc, sort Beast Reality, leur premier album. Le line-up s'est vu renforcé entre temps par l'arrivée d'un second guitariste en la personne d'Adam Wardle.

A ce stade vous l'aurez compris, nos rockers d'Albion ont pris la confiance. Il est clair sans aucun doute que « Loud'n'Proud » sont deux qualificatifs qui vont à nos brigands comme une paire de gants en cuir à un biker des Hell's Angels. Ce, d'autant plus ironiquement que le groupe ne cache pas son admiration pour le mythique Nazareth, formation de hard rock britannique ayant justement sorti un album intitulé « Loud'n'Proud » en 1973, dont la pochette colorée représente un paon en parade. Les coïncidences n'existent décidément pas dans le petit monde du hard rock de Sa Majesté.

Alors City of Thieves sont-ils à la hauteur de leurs prétentions ?

Autant mettre fin au débat tout de suite : OUI, on a l'impression d'avoir déjà entendu Beast Reality quelque part et OUI, les morceaux peuvent donner l'impression à la première écoute de se ressembler tous un peu. Mais là n'est certainement pas la question. City of Thieves nous promet l'authenticité et non l'originalité. Et sur cette promesse-là, on ne se fait pas rouler.

Le groupe rend tout au long de l'album un vibrant hommage à ses aînés et à ses grand-pères : Volbeat, Clutch, Airbourne et bien sûr AC/DC, Guns N'Roses et Sex Pistols, pour ne citer qu'eux. On retrouve l'amour du riff, des morceaux directs et efficaces, du son précis et rentre-dedans… Autant vous prévenir, Beast Reality est un carburant détonnant. Réduit à l'état liquide et injecté dans le réservoir de votre voiture, il vous ferait perdre votre permis de conduire en moins de temps qu'il ne faut pour passer la 4ème (la vitesse et la piste de l'album). Les londoniens tirent leurs meilleures cartouches d'emblée en ouvrant l'album sur les 2 singles : Reality Bites et Buzzed Up City.

Le premier commence sur un riff de guitare dans un phaser laissant monter la tension progressivement avant d'envoyer la sauce à grand coup de cymbale crash. Jamie s'époumone sur un refrain d'une efficacité redoutable : « Reality bites and this ain't make believe » et prouve tout de suite, et sans faillir tout au long de l'album, qu'il n'a rien à envier à un Joel O'Keeffe (Airbourne) ou à un Michael Starr (Steel Panther).

Buzzed Up City est plus posé en apparence mais c'est pour mieux nous attaquer avec un riff entêtant d'une efficacité redoutable dont les cervicales de votre serviteur se souviennent encore. Des mauvaises langues diront que les anglais devaient beaucoup aimer Runnin' Wild d'Airbourne…que ces personnes parlent, de toutes façon on ne les entendra pas avec nos acouphènes après s'être remis le titre en boucle au maximum du volume.

Pris en sandwich entre ces deux singles, se trouve l'excellent Fuel and Alcohol. On apprécie beaucoup la façon dont le morceau respire avec les questions réponse entre la rythmique binaire implacablement précise de Will, les guitares de Ben et Adam et la voix de Jamie. Du carburant pour toute la semaine. On retrouve aussi ce question réponse : basse/batterie VS guitare/chant dans Reality Bites.

Incinerator est le frère aîné des singles de l'album puisqu'il a déjà 3 ans et déjà sûrement beaucoup de torticolis et de mosh pits à son actif. On s'en prend plein les oreilles à un rythme de marche militaire qui dévaste tout sur son passage.

Right to Silence est sans doute le titre le plus groovy et également la surprise de l'album. Pourquoi ? Parce que City of Thieves s'attache à jouer la version la plus authentique d'un genre assez codifié qu'est le hard rock et pourtant ils se permettent d'en délivrer en même temps la version la plus énergique possible sans tomber dans le heavy, ni dans le death. L'intro coupe-gorge de Right to Silence est sans doute l'ultime limite qu'ils se sont fixés pour ne pas tomber dans le second. Imaginez une ligne de basse saturée qui viendrait combler les silences entre chaque coup de médiator et là on obtiendrait presque, avec un peu de fantaisie, un morceau comme Warheart de Children of Bodom. Le reste du morceau est un concentré de headbang et groove pas mal avec les ouvertures de hi-hat sur les contretemps.

A propos de groovy on appréciera aussi grandement l'intro du, prophétique on l'espère, Born to Be Great avec sa ligne de basse, son tambourin et sa rythmique aux toms. Le refrain fait lui étonnamment penser à une version hard rock de Beds Are Burning de Midnight Oil (tiens encore des australiens).

Something of Nothing joue le rôle de la “ballade” catchy. Avec son refrain efficace et entêtant, on flirte avec le hard FM et le glam rock, Kiss n'est pas loin. Avec l'humilité qui le caractérise, votre serviteur, malgré tout le bien qu'il pense de l'album, avoue tout de même avoir été beaucoup moins convaincu par cette dernière piste, qui dénote peut-être un peu avec le ton plus affirmé du reste, même si l'exécution en est irréprochable.

Bref, City of Thieves nous livre là un très bon hard rock. On boude d'autant moins notre plaisir que force est de constater (et de regretter) que depuis les maestros australiens d'Airbourne, le hard rock justement n'est pas vraiment le style qui suscite le plus de vocations dans les nouvelles formations.

Les petits jeunes de City of Thieves sont fiers d'incarner le retour fracassant d'un genre snobé par le corporatisme ambiant, ne cachent pas leurs influences et prennent très au sérieux leur mission : « prendre le rock par la peau du cou et le secouer un bon coup». Vous pouvez dès à présent ranger vos pads de samples, pédales de delay et autres claviers Nord Stage dans les bennes à ordures prévues à cet effet. Beast Reality est produit par des fans de hard rock pour des fans de bon hard rock, à l'ancienne, sans compromis, nature, élevé au houblon et sans voix clean ajoutée.

Pour les autres, peu accoutumés à ce genre de boisson, avaler ce concentré d'énergie d'un coup posera sans doute des problèmes digestifs. Au bout d'un moment, la lassitude et la fatigue leur feront demander grâce. A consommer avec modération si vous n'êtes pas un aficionado du genre.

On attend maintenant avec impatience de voir ce que les petits derniers du hard rock valent en live. Le groupe est actuellement en train de préparer une courte tournée anglaise en début d'année prochaine en première partie d'Inglorious, mais reste encore à un stade de développement local. Il faudra donc sans doute être patients avant de les voir secouer l'Hexagone à grand coup de riff. En tous cas, s'ils tiennent autant leurs promesses sur scène qu'en studio, les londoniens sont certainement amenés à rencontrer un franc succès…qu'ils n'auront pas volé.