Insomnium nous vient tout droit de Finlande, République à la plus faible densité humaine de l’Europe, pays le plus extérieur à la Scandinavie et comportant plus de 3000 lacs.
Ce groupe de Death mélodique possède déjà 19 ans d’ancienneté et se trouve parmi les fleurons du genre.
Du premier album à la pochette magnifique « In the Halls of Awaiting » (2002) au sixième « Shadows of the Dying Sun » (2014), nos musiciens n’ont eu de cesse d’évoluer leur art, apportant des touches plus atmosphériques, légèrement progressives tout en soignant l’accompagnement du chant principal de très doux backings à timbre clair dans un bel élan épique.
Justement, ce 6ème album n’avait pas fait l’objet d’un consensus passionnel ; alors que je fus littéralement subjugué par une sorte d’évolution intégrant des éléments post-rock, d’autres confrères furent tentés de comparer ce travail à une pâle copie d’Amorphis.
Alors qu’un antagonisme analytique régnait dans notre lecture, je pouvais trouver un exutoire, me disant que le groupe évoluait tout doucement vers une solide forme de Doom ; sous-genre ne convenant pas forcément à tout quidam.
Que cet écueil n’occulte point un fait dûment objectivé, celui majoritairement constaté : Insomnium a déjà sorti des albums remarquables à la mélodie bien aiguisée, soignée et recherchée.
Nous voici à présent avec « Winter’s Gate », 7ème album, respects messieurs, avec un line-up quasiment inchangé depuis la genèse Insomniaque ; Seul le guitariste Markus Vanhala a rejoint le groupe en 2011, apportant aussi une griffe bien identifiable.
Ce nouvel opus a été mixé par le très réputé Dan Swanö (Comme quoi la Finlande restera toujours très fortement liée à la Suède jusque dans son propre cœur linguistique).
Surprise, les Finnois nous offrent une seule et unique chanson de quarante minutes, un concept album basé sur une épopée Viking fantastico-mythologique, née de l’imagination fertile du bassiste-chanteur Niilo Sevänen.
Comme Orphaned Land et Amaseffer l’ont musicalement si bien fait pour illustrer l’histoire biblique de Sarah et d’Abraham, Insomnium nous a construit un univers sonore peignant le tableau épique de Niilo.
Ce morceau, permettez-moi de vous le dire, constitue à mes yeux un chef d’œuvre artistique.
Insomnium est encore allé plus loin dans ses compétences musicales, intégrant cette fois des aspects de funeral Doom somptueux, de Pagan Folk épique dans des passages plus agressifs, plus dynamiques.
L’opus nous plonge d’emblée dans une douce brume, masquant bien des dangers, nécessitant réaction d’urgence, et clap, la réponse est immédiate, on démarre dans un majestueux Post-Black Death qui va se positionner, sans perdre d’entrain, dans un espace plus Amon Amarthien. Le growl est bien poussé. Toute la mélodie de fond est légèrement mise en retrait pour ne pas étouffer l’épopée.
A 6 minutes 47’’, nous retombons, versant presque dans un moment magique typiquement Dimmu Borgien (Arcane Lifeforce Mysteria) et puis repartons l’épée brandie sur un synthé grandiose, jouant un passage digne d’un excellent Folk Germain « Equilibrium ». Passage absolument grandiose.
A la presque 13ème minute, nous tombe un beau moment de plénitude, je revois sur cette plage un superbe mouvement à la Marillion sur « Script For A Jester's Tear » mais tout en comportant un accompagnement nettement plus acoustique et éthéré.
A 16 minutes 20’’, on repart dans la puissance growlée et l’orchestration sublime poursuit tout en puissance, ponctuée d’un bon riff nettement plus martial. Le synthé reste de toute beauté, versé dans un océan de mélancolie.
A la 18ème minute 48’’, nous sommes bercés par des chœurs clairs, presqu’Alcestiens dans leur profondeur cristalline.
Nous réalisons alors que nous nous trouvons bien dans une œuvre de très haute cohérence musicale vu que des fragments d’accompagnement nous relient toujours au début de l’album. C’est du génie, en toute humilité.
A peine le temps de penser davantage, vous êtes déjà touchés et complètement annihilés par un air de piano « Vangelien » qui vous élève dans de très hautes sphères (Merci Aleksi Munter, magistral claviériste de « Swallow The Sun » et bosseur chez Insomnium depuis 2004).
C’est alors que nous réalisons avoir traversé un épisode nettement plus nimbé de Funeral Doom du plus grand cru. C’est une tuerie.
A la 30ème minute, on repart dans les Blasts, on prend encore davantage d’altitude, le mouvement se durcit avec fermeté sans perdre en ambiance mélodique. Vous êtes transfigurés !!!
A la 37ème minute, je ne sens déjà plus le froid mordant, j’ai échappé aux monstres et ai traversé l’adversité…j’entends une guitare acoustique Ibérique qui me réchauffe le cœur. A moins que je ne sois mort ?
Pour écrire cette chronique, j’ai écouté très exactement 8 fois cet album.
Il passe sans peser sur l’aspect temporel tant il nous dégage aisément de cette relative contrainte.
La diversification du jeu, des styles, m’a promené, et à coup sûr, vous promènera, en toute légèreté.
Mesdames et Messieurs, cet album est un chef d’œuvre. Le travail effectué là est énorme.
Et je réalise, non sans une pointe émotionnelle, qu’il est limpide en mon esprit qu’il s’agit ici du meilleur album d’Insomnium, sa véritable maturité artistique montrant qu’il a dépassé les barrières de son potentiel déjà bien riche.
L’épopée de Niilo est remarquablement interprétée par ses comparses.
Si je me disais qu’il peut être inconfortable d’écouter un morceau unique de 40 minutes, le groupe sera obligé d’être tête d’affiche à un concert pour pouvoir présenter un extrait de ce bel ouvrage.
Mais couper où ? A quel moment ?
Suis-je bête !!! Ils ne peuvent qu’être leur propre tête d’affiche en interprétant l’œuvre dans son intégralité.
Rendez-vous nous est donné :
- En Belgique le 13 janvier 2017 à Vosselaar (ha le Biebob !!!) ;
- En France le lendemain à Rillieux La Pape (O’Totem) ;
- A Paris, le 15 janvier dans « Le Petit bain ».
Vous me faites confiance quant à l’engouement décrit autour de cet album, alors, bravez l’hiver et franchissez les portes de ces salles pour aller saluer Insomnium.
En conclusion, avec «Winter’s Gate », Insomnium nous adresse un lumineux album impactant directement notre âme, nous donnant les clés d’un voyage fabuleux dans la profonde fausse quiétude de l’hiver.