«Sympathique, évidemment très américain, jamais ennuyeux, et –histoire de cultiver les clichés- bien plus subtil que les rednecks qui peuplent le Sud étazunien dont il est tiré.»
Dans le précédent épisode, les p’tits gars de Tyler Bryant and The Shakedowns nous avaient livré un emballant « Pressure » , écrit dans le contexte particulier du confinement, notre trio texan installé dans le Tennessee se rappelle à notre bon souvenir avec le fort opportunément nommé « Shake the Roots ».
Car de racines, il en est effectivement question ici, à tout le moins musicalement. Mettant plus franchement de côté l’électricité à la sauce Aerosmith (avec quelques exceptions pour ce qui concerne l’électricité, nous y reviendrons…) Tyler et ses potes ressortent le dobro pour préparer une tambouille fleurant bon le Sud profond.
Dès l’entame guillerette de « Bare Bones », le blues du Delta, acoustique et tribal, vient donner le ton de l’album, avec cette sonorité métallique et légèrement sale typique des guitares à résonateur. En variant les pulsations (du mid-tempo « Ain’t none watered down » au plus nonchalant et spectral « Hard learned », en passant par les bucoliques « Good Things » et « Tennessee »), le combo présente les différentes couleurs offertes par un style musical apparemment primitif et monotone (les sempiternels trois accords et la pentatonique mineure), mais finalement plus riche qu’on ne le pense. Car malgré l’usage (jusqu’à l’usure ?) d’un substrat éprouvé, Monsieur Brillant et ses Déboires ne tombent jamais dans la redite.
Le groupe ne se contente toutefois pas de réciter sa leçon, et apporte un tantinet de diversité dans son vocabulaire, en explorant d’autres paysages.
Le blues s’électrifie par moment, que ce soit de façon dépouillée, mais lourde, hargneuse et sexy (« Shackles ») ou marié à une pulsation carrément hip hop (« Sunday no show », durant lequel Bryant s’essaye au…rap !)
Le trio étant basé à Nashville (ceci explique cela…) il vient par ailleurs taquiner du Stetson avec des couleurs plus country (le dansant « Roots »).
Il exprime également une hargne totalement hard rock, à la mode d’AUDIOSLAVE (« Ghostrider ») ou alors de façon plus surprenante, en pastichant carrément…AC/DC ! A l’écoute de « Off the Rails », on s’attend presque à voir débouler les frères Young…voire O’Keefe (AIRBOURNE), compte tenu du tempo d’enfer adopté ici.
Autre surprise : le funky « Sell Yourself », nous plonge limite en plein épisode de « Starsky et Hutch », avec son beat urbain qui détone dans un paysage globalement plutôt « Sud profond ».
Bref, vous l’aurez compris, Tyler Bryant ne s’impose aucune limite stylistique, même si pour le coup la couleur blues reste prédominante. Malgré son âge, le musicien montre à nouveau sa connaissance approfondie de la culture musicale populaire américaine et en use au profit d’un disque par conséquent pas barbant.
Toujours en cohérence avec le concept « roots » (au sens de la rusticité, s’entend…), les arrangements sont relativement simples (peu d’effets, pas d’empilement de pistes de guitare…) et les compos concises (jamais plus de 4 minutes, et jamais de Coda pour conclure).
Au final, on est face à un album –pour le moment disponible uniquement en streaming- sympathique, évidemment très américain, jamais ennuyeux, et –histoire de cultiver les clichés- bien plus subtil que les rednecks qui peuplent le Sud étazunien dont il est tiré.