Totentanz
Enora
Journaliste

HEKATE

«« Totentanz », un voyage spirituel et mystique davantage qu'un album à travers lequel Hekate témoigne de sa grande maîtrise et de l'aboutissement de son projet»

10 titres
Neo-Folk
Durée: 55 mn
Sortie le 18/05/2018
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Le groupe Hekate a été formé en 1992 et compte aujourd'hui sept albums à son actif autour de thématiques touchant aux mythes et légendes. Une quête spirituelle est également au coeur du projet du groupe dont les compositions évoquent le rituel, la transe et le rêve, ce qu'incarne à la perfection « Totentanz ».

Les sept minutes de « The Old King » permettent à Hekate de faire lentement émerger une atmosphère froide et intrigante. On imagine sans peine une brume envahir la pièce et nous endormir pour nous ramener à des temps reculés où les changements de saisons étaient marqués par les rythmiques du tambour de la vie. A la manière de « Princesse Mononoké », le film d'animation d'Hayao Miyazaki, des sons venus des entrailles de la terre lancent des appels dans la nuit, puis les instruments du groupe font leur entrée, accompagnés d'un chant calme et mesuré. « Lost And Broken » est relativement plus classique avec sa composition à la guitare acoustique et à la voix, parfois sous-tendue d'une rythmique légère. Hekate revient aux racines du Folk le plus classique qui soit après nous avoir emportés dans une épopée sensible. La même veine est exploitée avec « Mondnacht », mais de façon plus solennelle et peut être moins dansante. Les amateurs de musique celtique y retrouveront sans peine quelque chose des chansons de marins bercées par les vagues et à l'intensité croissante. Sur la fin, il semble presque que cette chanson prenne des accents de berceuse, et on n'oserait pas dire non à une douceur aussi séduisante que celle que nous propose Hekate.

Plus les titres défilent, plus « The Old King » semble avoir été une introduction presque sans rapport avec ce que nous propose finalement le groupe, en témoigne « Luzifer Morgenstern », qui reste une chanson Folk assez traditionnelle avec un petit côté Die Apokalyptischen Reiter qui n'est pas désagréable. Les premiers temps d'« Ascension Day » semblaient renouer avec cette force sourde qu'on pressentait dans le tout premier morceau de l'album mais la ligne rythmique se fait de plus en plus discrète derrière les guitares acoustiques. Les cordes, en fond sonore, maintiennent une ébauche de cette atmosphère, sans grand succès, soyons honnêtes. Mais ces choix de composition ont l'avantage d'attirer l'attention sur les paroles : « Close your eyes, / Close your lips, / Close your ears, / And close your heart and die. ». L'introduction au piano du titre éponyme intrigue par sa sobriété et la réflexion qu'on devine derrière ces quelques notes qui tombent aussi lourdement que la pluie peut s'écraser au sol. Une voix féminine susurrée nous invite à la rêverie à la manière dont Morphée ouvrirait les bras pour nous attirer dans le sommeil. « Spring of Life » est une promenade, une danse, une prière, une exaltation, en un mot une merveille que je ne saurais que trop vous recommander.

Le rythme lent d'un tambour se met en place, à la manière de certains titres de Dordeduh qui s'ouvrent pas l'introduction d'une rythmique mystique, sur « Embrace The Light ». L'ambiance de « The Old King », qui m'avait séduite avant de disparaître, est ici de retour et Hekate nous offre un moment d'extase au son de mélodies oubliées et entêtantes. « Desire » se dévoile lentement, à la manière d'une danse, d'abord calme et presque langoureuse, portée par des cordes, puis hypnotique grâce à une rythmique légère mais répétitive. La voix semble planer sans effort au dessus de cette nappe musicale. L'invocation d'« Am Meere » est le dernier morceau de cet album. Le chanteur parle d'une voix grave sur un accompagnement musical minimaliste mais typiquement Folk. Par sa délicatesse, ce titre nous endort. L'image qui me vient spontanément à l'esprit est celle de la sérénité de Cléopâtre se faisant mordre par un serpent pour passer dans l'autre monde. Chacun y verra ce qu'il veut mais je n'ai aucun doute sur le fait que tout le monde s'accorde à reconnaître la grande capacité évocatrice d'Hekate.

« Totentanz » est un voyage spirituel et mystique davantage qu'un album. Le principal reproche qu'on peut lui faire, selon moi, et son manque de cohérence puisque certains des premiers morceaux détonnent par rapport à l'ensemble. Néanmoins, le groupe atteste ici de sa très grande maîtrise et de l'aboutissement de son projet.