Avec sa première offrande en solitaire Todd La Torre voulait proposer d’autres facettes de sa personnalité et nous faire entendre ce dont il était capable en dehors de sa formation référence. Voilà une chose de faite et très bien faite en plus.
Depuis maintenant trois albums (« Queensrÿche », « Condition Hüman » et « The Verdict » respectivement sortis en 2013, 2015 et 2019) et un peu plus de huit piges, Todd La Torre est le chanteur de Queensrÿche (après le départ pour le moins houleux de Geoff Tate).
Pour cause de pandémie mondiale Covid-19, les tournées de nos groupes préférés se sont brutalement arrêtées dans la première partie de 2020. Dès lors, l’américain a mis à profit ce confinement forcé pour mettre la touche finale à son premier effort solo. Pour ce « Rejoice In The Suffering », épaulé par le producteur multi-casquettes Chris « Zeuss » Harris (Hatebreed, Crowbar, Overkill, Heathen) pour le mix et le mastering, notre vocaliste a choisi de s’associer avec son ami et collaborateur de longue date Craig Blackwell. Les deux potes ont composés à quatre mains et se sont répartis les rôles. Pendant que Todd s’occupe du chant et des parties de batterie (c’est lui qui était aux baguettes pour le récent « The Verdict » du Rÿche), son comparse assure guitares, basse et clavier.
De manière assez logique, on trouve ici quelques éléments qu’on pourraient entendre sur une galette de Michael Wilton, Eddie Jackson, et leurs acolytes. Les penchants progressifs sont là ('Critical Cynic', l’entraînant 'Darkened Majesty', 'Vexed'). Pour le reste, on est surtout en terrain résolument metal moderne fait de speederies et de violences thrash ('Hellbound And Down'). Cela ne bricole pas, cela dépote sévère. Le duo nous a concocté quelques mélodies accrocheuses ('Crossroads To Insanity'), des riffs tranchants, et des compositions énergiques (le meurtrier 'Vanguards Of The Dawn Wall').
Derrière son kit de batterie (qu’il pratique depuis qu’il a une dizaine d’années), Todd s’illustre sans difficulté sur tous ces styles. Au micro, l’étasunien passe avec aisance du chant clair aux tons plus graves tout en glissant ici et là quelques aigus. Le floridien évolue entre cris possédés (la bombe 'Dogmata'), phrasés Rob Halford-iens (la perle 'Pretenders'), et acrobaties vocales (la sombre semi-ballade 'Apology'). On découvre ici le large éventail du monsieur et certaines de ses possibilités qu’on ne soupçonnait pas forcément.
La réussite du présent méfait tient également et pour beaucoup à l’implication de Blackwell. Son travail sur les rythmiques (tout bonnement furieuses) et les soli n’a rien a envier à certains confrères metalleux coutumiers du genre. On notera au passage l’excellente joute de six-cordes avec Jordan Ziff de Ratt/Marty Friedman Band sur la plage éponyme. Globalement, le skeud impressionne autant par sa diversité, son intensité que sa maturité et sa maîtrise.
La version deluxe comprend trois pistes bonus et, pour le coup, il serait vraiment dommage de se priver de ce supplément de (power) metal addictif ('Fractured', 'Set It Off'). Plus surprenant (dans le bon sens du terme), pour clôturer l’opus, Todd et son partenaire portent l’estocade finale avec une compo de … black metal mélodique (l’extrême 'One by One'). Oui, vous lisez bien. L’ex-Crimson Glory libère des grognements gutturaux venus d’ailleurs sur un titre d’une pure sauvagerie. Il à bouffé du lion l’animal. Dixit l’intéressé « C'est là que mon prochain disque solo reprendra. Ce sera beaucoup, beaucoup plus lourd avec des styles vocaux plus brutaux ». En voilà une belle promesse.
Dès plus enthousiasmant, cette première offrande en solitaire de Todd La Torre démontre parfaitement ses talents et sa polyvalence (chant, batterie, gratte à l’occasion). Le garçon voulait proposer d’autres facettes de sa personnalité et nous faire entendre ce dont il était capable en dehors de sa formation référence. Avec ce très metal « Rejoice In The Suffering », voilà une chose de faite et très bien faite en plus.