« Il est très difficile de reconnaître Oceans Of Slumber dans ce « Where Gods Fear to Speak » qui manque réellement d’audace par rapport à leurs productions précédentes. »
Cela fait maintenant quelques années qu’Oceans Of Slumber déploie sa créativité et son talent sur la scène Prog/Doom avec des influences qui peuvent remonter jusqu’au gospel et au rhythm and blues. Le groupe américain compte actuellement cinq albums à son actif : « Aetherial » (2013), « Winter » (2016), l’excellent « The Banished Heart » (2018), « Oceans of Slumber » (2020) et « Starlight and Ash » (2022) ; « Where Gods Fear to Speak » vient donc s’ajouter à cette jolie liste.
Sans prendre trop de risques, Oceans Of Slumber ouvre le bal avec le morceau éponyme, dévoilé avec un clip le 15 avril dernier. L’ambiance est lancinante, dans la droite ligne de ce qu’on connaît de l’univers des Américains qui font alterner le martèlement des grosses caisses assuré par Dobber Beverly et les sons gras de la basse de Semir Ozerkan avant d’arriver en douceur sur un pont hypnotique grâce au travail des chœurs. Mais n’allons pas trop vite en considérant que cette entrée en matière annonce quoi que ce soit car les choses se tendent dès ‘Run From the Light’. Malgré la participation de Mikael Stanne de Dark Tranquillity, les passages Death Metal sont trop bruts et maladroitement amenés pour être appréciés. La chanson donne l’impression d’être un assemblage forcé de deux titres que rien rapproche et qui ne devraient pas être combinés.
Le problème c’est que ce n’est pas qu’un simple faux pas puisque, malgré l’engagement indéniable des musiciens d’Oceans Of Slumber, ni ‘Dont Come Back from Hell Empty Handed’ ni ‘Wish’ ne permettent de redresser la barre. La première est une ballade sur laquelle on ne s’attarde même pas et la seconde débute par une superbe introduction a cappella avant de prendre un virage tellement classique que la composition en devient prévisible. Ce qui étonne le plus, c’est le manque de cohérence total entre les morceaux, comme s’ils avaient été jetés en tas, un peu par hasard, alors que les précédents albums du groupe témoignent tous d’une idée directrice très aboutie. Il faut bien se rendre à l’évidence : à mi-chemin, « Where Gods Fear to Speak » est loin de convaincre.
C’est à ce moment que se produit la chose la plus curieuse puisque, renouant brutalement avec l’univers qu’on leur connaît, les musiciens se mettent alors à nous proposer une deuxième moitié d’album parfaitement à la hauteur des attentes qu’on est en droit d’avoir si on suit leur carrière depuis un petit moment. ‘Poem of Ecstasy’ est à l’origine de ces retrouvailles avec la puissance d’interprétation des membres d’Oceans Of Slumber et avec la richesse de leurs compositions ! Dans une ambiance fantomatique, ‘The Given Dream’ prend la relève avec un beau travail de liaison entre le chant de Cammie Gilbert-Beverly, le clavier de Chris Kritikos et la ligne de guitare d’Alex Davis.
Sans déroger à la nouvelle ligne directrice de cet album (elle arrive un peu tard, mais au moins elle existe !), ‘I Will Break the Pride of Your Will’ risque de calmer l’ardeur des fans tant Oceans Of Slumber répète encore et toujours la même construction dans ses morceaux avec un début calme puis une montée construite de façon quasi-similaire jusqu’à un climax qu’on voit venir de trop loin… ‘Prayer’ constitue une très bonne surprise lorsqu’on découvre que Fernando Ribeiro, le chanteur de Moonspell, prête sa voix au groupe et lorsqu’on se laisse porter par le pont mystique que les musiciens nous offrent. Nouvelle proposition en demi-teinte avec ‘The Impermanence of Fate’ qui tente une belle sortie vers le RnB mais ne décolle pas à cause d’un scream franchement décevant.
En conclusion, il est très difficile de reconnaître Oceans Of Slumber dans ce « Where Gods Fear to Speak » qui manque réellement d’audace par rapport à leurs productions précédentes. Dans le même temps, on ne peut pas reprocher au groupe de ne pas tenter de nouvelles choses mais il est regrettable d’en voir autant faire un flop. Heureusement que quelques morceaux permettent de retrouver l’esprit d’Oceans Of Slumber mais d’autres ne sont tout simplement pas à leur place, à l’image de la reprise de ‘Wicked Game’ de Chris Isaak qui, tout en étant sympathique, arrive un peu comme un cheveu sur la soupe…