Les 2h23 de cette 2nde confrontation entre un orchestre philharmonique et nos Four Horsemen filent à toute allure. Allez, on se retrouve en 2039 pour la passe de trois ?
Quand on y repense, « S&M » (abréviation de Symphony & Metallica), la première confrontation entre un orchestre philharmonique et nos Four Horsemen remonte déjà à 1999. Depuis lors, que d’aventures pour le gang américain. Départ de Jason Newsted, son remplacement par Roberto Trujillo, le documentaire thérapeutique « Some Kind of Monster », trois albums studios, des tournées gigantesques à travers le globe (inclus l’antarctique), l’intronisation au Rock and Roll Hall of Fame, le Big Four (avec Slayer, Megadeth et Anthrax), l’étrange « Lulu » avec Lou Reed, les shows pour les 30 ans, un film 3D IMAX, … leur fondation caritative « All Within My Hands ». Comme quoi, finalement, en deux décennies il s’en passe des choses.
Pour cette seconde fournée symphonico-métallique baptisée « S&M² », on reprend à peu près les mêmes et on recommence. Les quatre-vingt instrumentistes du San Francisco Symphony sont bien là. Par contre, Exit le Berkeley Community Theatre et Enter le Chase Center de San Francisco (la nouvelle salle de l’équipe NBA de basket des Golden State Warriors). L’orchestre joue donc « à domicile » cette fois. Michael Kamen, compositeur de musiques de films (Highlander, L'Arme fatale, Robin des Bois : Prince des voleurs, X-Men) et surtout instigateur du projet initial nous ayant malheureusement quittés en 2003, c’est aujourd’hui Edwin Outwater qui officie derrière le pupitre de chef.
Plusieurs morceaux (onze sur les vingt-deux) joués lors de ces deux soirs sold-out de septembre 2019 (les 6 et 8 exactement) avaient déjà été proposés la fois précédente (l’épique instrumentale 'The Call of Ktulu', 'The Memory Remains' et ses La da da da … da da da entêtants, les beignes 'One', 'For Whom the Bell Tolls', 'Master of Puppets', la ballade 'Nothing Else Matters', l’hymne 'Enter Sandman' … ou bien encore 'No Leaf Clover' qui avait été écrit à l’époque spécialement pour l’occasion). Beaucoup d’incontournables en somme. Même si on aurait plus apprécié une set list avec un peu moins de redites au profit de quelques nouveautés (un 'Orion' ou un 'Creeping Death' par exemple), ne boudons pas notre plaisir. Les plus mélomanes décèleront probablement les écarts subtils et les arrangements différents apportés par rapport à la première expérience.
Malgré cette très légère déception, les raisons de s’enthousiasmer sont nombreuses. D’abord, l’intro du concert ('The Ecstasy Of Gold'), interprétée par l’orchestre seul, fait toujours son petit effet. Difficile de ne pas avoir les frissons à l’écoute de cette bande originale culte qui accompagne les quatre cavaliers depuis plusieurs décades. Ensuite, nos protagonistes unifiés nous ont concoctés quelques surprises. Déjà, nos thrashers ne délaissent pas leur répertoire le plus récent ('All Within My Hands' issu du controversé « St. Anger », le triplé agressif 'Confusion', 'Moth Into Flame' et 'Halo on Fire' extrait de « Hardwired… to Self-Destruct » ainsi que le génial 'The Day That Never Comes' puisé dans « Death Magnetic »). Mêlant puissance et grâce conjuguées, le passage au format symphonique est globalement réussi. La quintessence de ces revisites réside dans l’association unique entre un James Hetfield seul sans ses potos et le symphonique (la magnifique 'The Unforgiven III').
Ensuite, histoire d’aller là où on ne les attend pas, les Mets et le mega big band s’aventurent dans le pur registre classique (la 'Scythian Suite' de Sergei Prokofiev exécutée là encore par le symphonique exclusivement et le percutant 'The Iron Foundry, Opus 19' conçu en 1926-1927 par le compositeur russe Alexander Mosolov). Bluffant. Et puis arrive LE truc inattendu qui ébranle toute l’assistance. Scott Pingel, le bassiste du San Francisco Symphony, délivre au violoncelle électrique (avec un Lars Ulrich qui l’accompagne sur la dernière partie) un hommage ultime tout autant respectueux qu’époustouflant d’un instru (à priori) intouchable ('(Anesthesia) - Pulling Teeth'). Quelle audace, émotion garantie. Impossible de ne pas avoir une maousse pensée pour ce maître ès 4-cordes qu’était Cliff Burton (sa passion pour le classique et le jazz était notoire) parti tragiquement il y a déjà trente-quatre piges.
Au même titre que deux décades ça passe relativement vite, les 2h23 de ce « S&M² » filent à toute allure. Parfaitement épaulé par le San Francisco Symphony, Metallica réussit à balayer l’ensemble de ses dix multi-certifiés efforts studios (avec un à trois morceaux de chaque skeud) tout en glissant également quelques surprenantes prises de risques. Allez, chiche cap les gars, on se retrouve en 2039 pour la passe de trois ?