KATATONIA
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Doom/Death Metal (early), Depressive Rock/Metal (later)

City Burials
Aldo
Journaliste

KATATONIA

«Le petit plaisir suédois»

11 titres
Doom/Death Metal (early), Depressive Rock/Metal (later)
Durée: 50 mn
Sortie le 24/04/2020
3675 vues

Les premiers contacts de votre serviteur avec le quintette suédois datent un peu. C’est en 2001 que sort l’album « Last Fair Deal Gone Down », et que l’écoute d’extraits chez son disquaire le convainc d’intégrer l’album à sa (déjà) foisonnante collection de CD.

Histoire d’éviter le hors-sujet , il a semblé nécessaire de replonger dans cette album avant de s’attaquer à la critique (au sens objectif du terme, s’entend) de la dernière livraison des suédois. Le fait est que depuis « Last Fair Deal… », ledit serviteur avait ensuite lâché l’affaire (Nan, même pas honte…). Les fans de la première heure lui pardonneront donc de faire l’impasse sur les œuvres parues depuis. Faute avouée est à moitié pardonnée, dit-on.

Les oreilles frétillèrent donc à nouveau d’aise à l’écoute de « Dispossession », « Chrome », « Sweet Nurse », « Sulfur » et autres. Les conduits auditifs retrouvaient avec un certain bonheur ce mélange improbable entre la noirceur mélancolique de –mettons- The Cure, et le metal grungy d’un Alice In Chains. A l’écoute, votre serviteur ne pût d’ailleurs s’empêcher de penser aux climats développé par Audrey Horne avec son premier album « No Hay Banda », cinq ans plus tard. La lumière fût : Katatonia était à cette époque un précurseur du post-grunge.

L’écoute de « City Burial » convaincra l’auditeur d’un changement de cap opéré depuis l’album sus-cité, ce qui semble somme toutes assez logique, au regard du temps passé. Les changements réguliers de personnel n’y sont par ailleurs pas étrangers. En effet, Le line up actuel n’est en poste que depuis la sortie du précédent opus (« The Fall of Hearts » date de 2016).

Mais pour tout dire, cette écoute n’a pas rendu la tâche de votre serviteur très facile.
Il faut dire que les collègues m’avaient prévenu : « Fais gaffe, c’est un univers particulier, faut des références…en plus ils ont des fans vachement pointus, faut pas se trouer ! »

Du coup, évidemment, au début il y a un vieux réflexe de déni qui vient : « Beuh…c’est que de la musique, après tout…tant que c’est sincère et argumenté… »
Puis, au fur et à mesure des écoutes, monte une sorte d’embarras : « Tcheu ! ce truc est un vache d’album…(le côté sincère, c’est bon on l’a…en passant je viens de vous spoiler la fin : OUI cet album est un chef-d’œuvre !), parce que…heu…ha ben merde, les collègues avaient raison, en fait : comment j’explique le truc (tu sais, le côté « argumenté » dont on parlait juste avant) ? »

Bon, j’exagère un peu, mais il a bien fallu se creuser la tête pour restituer la singularité de ce disque et expliquer ce qui a convaincu votre serviteur de son inestimable valeur. Ceci étant dit, rien n’est insurmontable.

En prenant un tantinet de recul, on notera dans un premier temps –et au regard de ce qui fût dit ici en préambule, ce n’est guère étonnant- l’abandon des ambiances grungy de « Last Fair Deal… » au profit de quelque chose de plus ambient, voire…trip-hop !

A l’écoute des différents morceaux, on ne peut s’empêcher de penser aux atmosphères développés par des groupes comme Anathema (époque « We’re Here Because We’re Here »), même si la composante Metal reste bien présente. Quoi qu’il en soit, on est désormais loin des tortuosités de la bande à Jerry Cantrell.
On peut en fait déterminer deux tendances dans cet album.

D’un côté, on regroupera des pièces telles que « Behind the Blood », « Rein », « Neon Epitaph » et « Flicker », dont la production des guitares rappelle l’emphase du Devin Townsend de « Ocean Machine » (énorme distorsion, des pistes de guitare à foison, avec une généreuse couche de réverbe). L’agression est ici délaissée au profit de la puissance pure. On est plus dans la recherche d’un certain lyrisme, d’une certaine ampleur, que de la montée d’adrénaline de l’auditeur qu’on trouverait dans d’autres styles plus radicaux.

D’un autre côté, le groupe a mis en avant sa science des atmosphère feutrées. La mélancolie cotonneuse de « Lacquer » et« Lachesis » (très court, mais très bel écho au précédent morceau) plaira aux fans du sus-cité Anathema, mais aussi de…Portishead (il suffit d’écouter « Roads » pour s’en convaincre) , tandis que « Vanisher » (avec la très belle participation d’Anni Bernhart, du groupe Full Of Keys) surprendra par son atmosphère soyeuse, ponctuellement jazzy (grâce à l’utilisation économe mais pertinente d’un piano électrique) qui évoque –la référence est ici gonflée, j’admet- le « Wild Horses » de Prefab Sprout (groupe pop/rock britannique qui connut un bref succès d’estime à l’aube des années 90). « Untrodden » vient conclure en douceur l’album, avec un très beau solo de guitare que les fans des premières œuvres de Steve Rothery (Marillion) sauront apprécier.

Restent le singulier « The Winter of Our Passing », qui oscille entre le pur ambient et un refrain plus pop et « dansant »(je mets les guillemets, c’est plus prudent, on ne voudrait pas choquer, hein…), et « City Glacier », qui vient assurer un pont entre les deux tendances de l’album (ambient et metal).

La production fait admirablement honneur au spleen dégagé par les différentes pièces de l’album. Celle-ci rend particulièrement justice à la voix sublime de Jonas Renkse (lequel montre une belle maîtrise en s’imposant sans jamais hurler, tout chez lui est dans la nuance), et à la richesse des orchestrations, notamment aux claviers (ce piano électrique !). On se laisse emporter par la musique, qui réussit le tour de force de varier les climats tout en restant d’une cohérence rare.

Bref, il est bien plus difficile de parler de cet album que de le faire tourner sur sa platine et de s’immerger pendant une heure dans un univers qui, bien que ne respirant pas la joie de vivre, vous fait l’effet d’un cocon douillet qui vous enveloppe et vous réconforte. Ce disque, encore une fois très cohérent (je me répète pour mieux fixer la notion), révèle au fur et à mesure des écoutes une foison de nuances et de détails que l’on aura plaisir à découvrir. Il constitue au final un incontournable que tout mélomane se doit de faire figurer dans sa playlist/sa discothèque (rayez la mention inutile selon votre âge). INDISPENSABLE !