It Could Be Home
Chozo Tull
Journaliste

PLENTY

«Le premier album de Plenty, plus de trente ans après la formation du groupe ! Un nouvel album mélancolique et post-gothique à l'actif de Tim Bowness.»

10 titres
Art Rock
Durée: 47 mn
Sortie le 27/04/2018
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Tim Bowness est probablement plus connu en tant que membre de No-Man, et par voie de conséquence collaborateur de Steven Wilson, qui au fil des projets et à force d'acharnement est devenu une figure incontournable du progressif moderne. Bowness est quant à lui resté un musicien de niche, mais n'en est pas moins acharné : après No-Man, plusieurs albums solo et collaborations, le voilà revenu à Plenty. Revenu ? Et oui, car Plenty n'est autre que le premier groupe de Tim, qui sort ici son premier album plus de trente ans après leur formation !

A la première écoute, l'album ne dépare pas dans le canon Bownessien : le son est plutôt froid, synthétique, les morceaux souvent lents et mélancoliques, parfois dans une veine plus acoustique quasi-floydienne (''Foolish Waking'') parfois dans une atmosphère électronique lancinante (''Broken Nights''). On sent l'inspiration musicale d'un groupe oscillant entre post-punk et art rock en 1986 en Angleterre : l'album conjure tour à tour Peter Gabriel, David Bowie (période late 70's), mais aussi The Cure, voire la première vague de rock gothique, comme Christian Death ou Bauhaus. Le disque est certainement plus contemplatif que remuant, et la voix de Bowness, si elle ne verse jamais clairement dans le spoken word, marche sur le fil du quasi-chanté typiquement britannique qu'on entendait déjà dans Caravan (même si les influences musicales ici sont condensées une décennie plus tard que le rock de Canterbury). Si cela contribue certainement à l'ambiance de l'album, cela a également tendance à uniformiser les morceaux, qui ont déjà d'autres points communs - souvent midtempo, souvent mineurs, et s'abandonnant rarement à des explorations musicales ou instrumentales, préférant installer un mood dans chaque chanson.

Evidemment il serait trop cavalier de juger It Could Be Home uniquement sur sa répétitivité, qui, si elle est un défaut réel du disque, cache des morceaux souvent efficaces et livrés avec classe et expérience. Peut-être auraient-on préféré au contraire entendre ce disque en entier enregistré trente ans auparavant, avec cette couleur late 80's typiquement britannique, mais l'on ne peut que saluer Plenty pour leur refus manifeste de recréer le passé - la production est propre, léchée (... trop ?) et si les influences sont là, la mélancolie de Bowness habite le disque tout entier et confirme qu'il ne s'agit pas ici d'un exercice de style, d'une tentative de recréer un passé perdu. Les mélodies ne font pas toujours mouche, et la tessiture de Tim Bowness est certainement limitée, mais pendant la lente montée de ''Every Stranger's Voice'', difficile de ne pas se sentir ému alors que la guitare quasi-frippienne s'élance lancinante dans un triste solo. Il y a de la sincérité dans cet album, et une intention artistique certaine. Le disque est dénué de tout cynisme, et se révèle délicat et honnête. Pour ceux en quête de rock, Plenty ne vous a pas complètement oublié, avec quelques pistes qui recèlent d'arrangements aux petits oignons, comme ''Climb'' ou ''Hide'', où la basse claquante de David K Jones a ce son british post-punk distinct, soutenant des séquences électroniques fort sympathiques et pas si évidentes qu'il n'y paraît. En fait, on est presque dans le même univers que le Marillion période Hogarth : même emphase sur les tempos lents, même fragilité dans la voix, même refus de la complexité pour aller du côté d'une recherche dans les timbres et d'une pureté atmosphérique.

En bref, l'album ne fera pas tourner de têtes inattendues, ne marquera pas l'année, mais fait chaud au coeur de tous ceux (comme moi) toujours prêt à écouter un album entre passé et présent, à redécouvrir une mélancolie presque adolescente mais marquée aussi d'un calme typique des adultes rêveurs. Un bon disque à rajouter à la déjà très longue discographie de Tim, et fort bon disque si l'on considère qu'il s'agit techniquement d'un debut album !