«Bien que conduites par les deux mêmes maitres à penser, Paradise Lost et Host sont deux orientations artistiques différentes. L’unique chose à faire ici est d’apprécier ce qui nous est proposé car cela le mérite, tout simplement.»
A la fin des années 90, par deux fois, Paradise Lost à décontenancer et même diviser ses partisans. D’abord, avec « One Second » (1997), la formation britannique marquait un premier tournant musical avec l’ajout d’éléments électroniques, parsemés ici et là. Deux piges plus tard, avec (l’incompris ?) « Host », le combo allait encore beaucoup plus (trop ?) loin en incorporant un MAXIMUM de synthétiseurs, boucles et autres samples (réduisant de fait les grattes saturées). Face à la réaction mitigée des fans, et même si aujourd’hui lesdits méfaits sont mieux « acceptés », le quintette a depuis lors délaissé ces sonorités trop éloignées de leur registre gothic doom metal.
En ce début 2023, c’est donc avec une certaine surprise (peut-être pas en fait), que débarque Host, projet électro-rock synth-pop mené par Gregor Mackintosh et Nick Holmes, respectivement six-cordiste et vocaliste du Paradis Perdu. Visiblement, les deux têtes pensantes n’ont pas abandonné leurs envies « d’expériences électroniques ». Selon le duo, ce nom de groupe renvoie plus aux clubs alternatifs (pluri genres musicaux) qu’ils fréquentaient dans les 80’s plutôt qu’un quelconque lien avec l’opus controversé cité plus haut. Toujours dixit notre tandem, le titre de cet effort (« IX ») fait référence aux neuf chansons présentes (sur l’édition de base) mais traite aussi « d’un Individu au bord de la dépersonnalisation dans une société de moins en moins humaine » (« I X », NdT : Moi X).
A l’écoute de l’ensemble, on est sur un amalgame, plutôt homogène, d’électro pop typé 80’s ('Inquisition'), de cold wave, d’un rien de goth, et d’orchestrations à cordes. Si on note çà et là quelques guitares acoustiques (assez rares) et électriques (un peu plus) éparses, ce sont surtout des sons électro qui dominent sur le disque (l’entêtant 'Tomorrow’s Sky'). Certaines affiliations sont des plus évidentes. Il y a du The Sisters of Mercy par ci (la rythmique obsédante de 'A Troubled Mind') et BEAUCOUP de Depeche Mode par-là ('Years Of Suspicion', 'Divine Emotion'). Cela étant dit, l’atmosphère générale est clairement mélancolique ('Instinct'), presque froide parfois ('Wretched Soul'). Les paroles de Nick sont bien sombres : « Les heures que l'obscurité me prend, Jusqu'à la lumière du jour, La peur est ma seule échappatoire » (le très addictif 'My Only Escape'). Son chant est clair et mélodique (l’entêtant 'Hiding From Tomorrow'), bien loin des growls qu’on peut entendre sur les rondelles de son gang phare.
L’édition CD digipack intègre trois pistes bonus : une reprise et deux remixes. Pour ce qui est de la cover, le binôme offre une version lente et posée d’un hit new-wave de A Flock of Seagulls paru en 1982 ('I Ran'). En ce qui concerne les remaniements, on a le droit à une bien trop LONNNNNNNNNNGUE (pensez 14 min 39) réappropriation en dark ambient ('Hiding From Tomorrow' Remix) goupillée par Lustmord (lascar qui a déjà officié avec King Buzzo/Melvins, Puscifer, Tool, Godflesh, The Ocean). L’autre trituration ('Tomorrow’s Sky' Remix), signée par le producteur américain de synthwave GosT, se veut plus « dansante » et plus encline à enflammer les dancefloors.
A la lecture de cette chronique, bien que conduites par les deux mêmes maitres à penser, vous aurez compris que Paradise Lost et Host (le groupe) sont deux orientations artistiques différentes. Ce (très intéressant) « IX » du moment aurait-il pu être la suite de « Host » (l’album jadis décrié) si le quintette d’Halifax avait persévéré dans ses choix électro il y a déjà plus de deux décennies ? Qui cela intéresse finalement ? L’unique chose à faire ici est d’apprécier ce qui nous est proposé car cela le mérite, tout simplement.