« Après nous avoir montré les sommets que le talent de Kingcrow peut atteindre, comment se satisfaire des titres sans surprise ni saveur qui émaillent "Hopium" ? »
Kingcrow est un groupe de Prog d’origine italienne formé en 1996 par les frères Diego (guitare) et Manuel Manuel (batterie) Thundra Cafolla, d’abord sous le nom d’Earth Shaker puis sous celui de Kingcrow, en hommage au poème « Raven » d’Edgar Allan Poe. La formation signe avec le label Scarlet Records pour son quatrième album, « Phlegethon » (2010), puis avec Sensory Records pour « In Crescendo » (2013). Pour leur huitième album, intitulé « Hopium », Kingcrow rejoint Season Of Mist.
Ce nouvel opus s’ouvre avec ‘Kintsugi’ qui nous propose une double interprétation du riff principal par la guitare et par le clavier pour un résultat hypnotique qui invite à se laisser porter. Le côté sur-dramatique de la voix de Diego Marchesi est heureusement compensée par des chœurs très sobres. On retrouve le même genre de choix mineurs mais regrettables sur ‘Glitch’ qui arrive immédiatement après. Si l’introduction à la batterie et au clavier avec un son Electro old school et l’ajout d’une voix désincarnée fonctionne très bien, le résultat final finit par s’effondrer lorsque les musiciens décident de brutalement amener le titre vers une grande tension. On retiendra donc surtout l’ajout progressif de cordes au clavier, de chœurs, puis des guitares dans un effet d’empilement maîtrisé.
Mais ces deux chansons illustrent assez bien le problème global d’« Hopium » qui souffre de grandes inégalités. Ainsi, on ne s’attardera pas sur ‘White Rabbit’s Hole’ – du Prog pur et dur avec une construction en dents de scie qui passe de passages éthérés à d’autres plus lourds de manière totalement prévisible – ni sur le peu mémorable ‘Vicious Circle’, et pas non plus sur la ballade de conclusion, ‘Come Through’, dans laquelle la douceur ne tarde pas à laisser la place à une sensiblerie un peu niaise. Si ce jugement peut sembler dur, c’est bien parce qu’on sait de quoi Kingcrow est capable, en témoigne ‘New Moon Harvest’ qui, en plus d’être si poétiquement nommé, rayonne d’une simplicité spectrale qui sied particulièrement au groupe.
Finalement, concentrons-nous sur les meilleurs éléments de cet album : les morceaux qui laissent une grande place aux compositions instrumentales, un domaine dans lequel les musiciens de Kingcrow excellent. ‘Parallele Lines’ ouvre le bal après une introduction un peu face, il faut bien le reconnaître, mais qu’on oublie vite grâce à la liberté laissée aux instrumentistes qui libèrent toute leur sensibilité. Même constat avec le génial solo de guitare de ‘Night Drive’ et avec la conclusion lancinante de ‘Losing Game’ et les chœurs qui répètent inlassablement : « Now the curtain has fallen ». Enfin, c’est le titre éponyme, ‘Hopium’, qui achève de nous convaincre grâce à des sons de claviers organiques et futuristes qui forment une boucle sans fin, offrant un support de choix à la rythmique qui semble rouler comme des vagues que la voix survole. Cette chanson a des airs de fin du monde d’une incroyable sensualité.
« Hopium » est un album qui nous garantit de passer par toutes les émotions, mais c’est une sorte d’amertume qui domine à la fin. Après nous avoir montré les sommets que leur talent peut atteindre, comment se satisfaire des titres sans surprise ni saveur qui émaillent cette nouvelle création ?