Le moins qu’on puisse dire c’est que la chanteuse Eivor n’a pas volé son surnom de « Björk des Féroé » ! Particulièrement connue dans la Pop Cultura grâce aux bandes originales de la série « The Last Kingdom » (2015), du film « The Last Kingdom: Seven Kings Must Die » (2023) et des jeux vidéo « God of War » (2018) et « God of War: Ragnarök » (2022), elle s’est également démarquée sur la scène Folk avec dix albums à son actif. Après les très intéressants « Slor » (2015) et « Segl » (2020), la voici de retour à l’aube d’un passage au Hellfest Open Air 2024 avec « Enn » (« Still »).
L’ouverture, ‘Ein Klota’ (‘A Planet’), est spectrale et poétique. La chanteuse nous offre une performance nuancée avec de très beaux passages de la voix de poitrine à la voix de tête sur un accompagnement au piano. Des cordes se devinent au loin ; d’abord dans les graves, elles accompagnent la montée en intensité du titre en gagnant les aigus. Mais la suite, si vous êtes amateur des précédents albums d’Eivor, sera peut être un peu plus étonnante puisque ‘Jardartra’ (‘Dust To Dust’) et ‘Hugsi Bert Um Teg’ (‘Still Just You’) se suivent.
La première a été dévoilée avec un clip le 27 mars, et la deuxième le 30 avril. Chacune à sa façon, elles semblaient annoncer une rupture durable avec ce que la chanteuse des Féroé avait jusque-là proposé à son public en prenant un virage résolument Electro, avec relativement peu de chant à l’exception de quelques vocalises. Là où l’ambiance de ‘Jardartra’ est assourdie comme si on se trouvait sous l’eau, celle de ‘Hugsi Bert Um Teg’ est presque dansante mais il est évident qu’on n’y retrouve pas les brumes qui caractérisaient les précédentes œuvres de la chanteuse.
Chacun est libre de se faire une idée de ces chansons mais, pour celles et ceux qui auraient pu s’inquiéter de voir Eivor tirer un trait définitif sur l’ambiance de ses productions précédentes, soyez rassurés ! La suite confirme que la chanteuse est toujours attachée à cet univers mystique et sensible dans lequel elle évolue avec grâce et facilité. On retiendra particulièrement le minimalisme de ‘Purpurhjarta’ (‘Purple Heart’), la rythmique hypnotique et intemporelle du morceau éponyme, et la conclusion : ‘Gaia’, une ode à la Terre qui sonne comme un chant religieux.
Ainsi, Eivor nous montre que tout en restant attachée au monde musical qu’elle a bâti depuis plus de vingt ans, elle ne s’empêche pas d’essayer de nouvelles sonorités ni de nouvelles atmosphères qui viennent enrichir sa palette et mettre différemment en lumière son fantastique talent vocal. « Enn » est une belle réalisation qui semble, par-dessus tout, absolument fidèle à l’artiste qui lui a donné vie.