Pour tout un tas de raisons qui nous échappent, certains albums se font attendre longtemps, voire très longtemps. « Dissymmetry », la nouvelle oeuvre de S.U.P. aura mis plus de 10 ans pour voir le jour, pourquoi ? Tout simplement parce que sa gestation fut compliquée à bien des égards et que le groupe n'est pas du genre à rendre une copie bâclée. Pour autant les membres n'ont pas été inactifs pendant ce laps de temps, puisqu'ils ont fait revivre leur première entité, Supuration, notamment au travers de « Cube3 » qui a mis fin à une trilogie entamée en 1990. Mais aujourd'hui c'est bien S.U.P. qui se dresse devant nous avec un album dont seuls ses géniteurs ont le secret. Préparez-vous à entrer dans un univers particulier où les sens et les émotions sont décuplés.
Quand en 2008 le merveilleux « Hegemony » est sorti, on ne s'imaginait pas attendre si longtemps avant de revoir S.U.P. sur le devant de la scène. Les fans savaient que des choses se préparaient en coulisses concernant un retour de Supuration, mais ils étaient loin d'imaginer qu'il faudrait attendre une dizaine d'années avant qu'un nouvel album ne sorte. Toujours est-il que « Dissymmetry » est bien là, une fois encore c'est autour d'un concept que cette nouvelle réalisation s'articule. Après les rêves d'un enfant autiste (« Room 7 » (1997)), la gémellité (« Chronophobia » (1999)) ou encore la religion (« Angelus » (2002)) cette fois le groupe s'est orienté vers ce qui semble être le clonage pour façonner « Dissymmetry », l'histoire tourne autour d'un personnage qui s'ampute lui-même pour se recréer à partir de son propre corps. Un concept gore d'où certains mots comme ''blood, scream, pain, drugs'' ont une résonance particulière quand ils sont prononcés. Premier constat à l'écoute de « Dissymmetry », si l'on sent très vite que c'est bien du cent pour cent S.U.P., on remarque que le climat est plus pesant, lourd, et anxiogène que jamais. Les rythmiques sont souvent mi-tempo ('The Chasm and Chronograph') et frénétiques, elles ont un impact incroyable ('Sunless Rest') qui est sublimé par ce jeu de chant oscillant entre le growl profond et les vocaux clairs d'une extrême justesse. Il se dégage comme une sorte de souffrance sur chaque note jouée notamment sur les parties les plus Metal. Les guitares sont lourdes, les frappes de batterie tout autant, le climat général de « Dissymmetry » est réellement oppressant, il ne pouvait d'ailleurs en être autrement avec le thème abordé.
Mais S.U.P. c'est bien plus qu'une histoire de concept et d'atmosphère, c'est aussi un groupe qui joue sur différents registres pour créer son identité. Si le Metal est une partie intégrante de sa musique, de nombreux plans à l'aspect plus ''Rock'' (le mot est-il bien choisi…) viennent s'intercaler pour un résultat qui bluffe encore et toujours. 'Excision' est un bel exemple, ici S.U.P. mise davantage sur une rythmique proche du Gothic, de l'Indus, voire de la Cold Wave et donne vie à son titre avec un son plus clair qui serait comme une sorte d'accalmie dans cette histoire effrayante. Une accalmie relative puisque pour le morceaux précédent, 'Hypnagogic Hop', l'aspect Death Metal est mis en avant avec des guitares plus agressives ainsi qu'une section rythmique très martiale. L'un des joyaux de « Dissymmetry » est sans conteste 'The Day of Final Hope' pour lequel S.U.P. combine tout ce qu'il sait faire, ici les émotions sont exacerbées, s'en est à vous en arracher des larmes tellement l'impact de ce titre est énorme.
Une fois de plus S.U.P. prouve qu'il est un groupe à part, « Dissymmetry » est une oeuvre absolument bouleversante de beauté et de puissance. Il faudra certainement plusieurs écoutes voire années pour saisir tous les mystères que cet album recèle, mais c'est aussi l'une des forces de cette incroyable formation, offrir des disques dont le temps n'a aucune emprise sur eux, encore moins sur le génie créatif de ses membres.