Cult Of Luna existe depuis 1998. Avec huit opus dans leur discographie, malgré des changements de line-up majeurs, les suédois ont toujours cherché à expérimenter et faire évoluer leur musique mélangeant metal, sludge, post-hardcore, et doom. Courant 2020, pour encore plus de libertés créatives (pour eux-mêmes évidement mais aussi pour d’autres artistes en qui ils croient), le sextette a créé sa propre structure, Red Creek Recording.
En ce début 2021, voilà donc « The Raging River », un EP de cinq titres et première sortie dudit label personnel. Ce format court (38 min 34 de zique quand même) se veut la continuité de « Dawn To Fear » paru en septembre 2019. Selon nos protagonistes, cette mini-galette est « un pont, un point médian qui doit être traversé pour que nous puissions terminer ce que nous avons commencé ces deux dernières années ».
Quoi qu’il en soit, on connait la volonté du combo de proposer, à chacune de ses livraisons, des changements de thèmes et d’humeurs. Un (nouveau) disque, un (nouveau) voyage. Présentement, la formation originaire d'Umeå amalgame des sonorités organiques à leur instrumentation « classique » dans une sorte de cacophonie maitrisée où riffs lourds et accrocheurs se voient percutés par des claviers tourbillonnants ('Three Bridges'). Les ambiances se posent dès l’introduction et monte crescendo vers le climax ('What I leave Behind' et ses atmosphères sombres). On ressent bien ce mur de sons qui nous écrase et ces « mélodies » qui s'enfoncent malicieusement dans nos esprits.
Ici et là, on remarque quelques rappels au passé (un accent de « Eternal Kingdom », une inspiration de « Vertikal »). On retrouve ces constructions et ces éléments bruts chers à nos protagonistes. Les points de repères sont nombreux. Le chant caverneux (et ces cris) de Johannes Persson, les guitares en écho, une batterie hypnotique (écoutez la caisse claire en arrière-plan), quelques effets divers, des lignes de basse déformées ('I Remember'), tout est fait pour faire monter la température. On passe du déferlement à l’accalmie, on balance entre euphorie et désespoir. Cette combustion lente – mais assurée - est poussée à son paroxysme avec la dernière piste ('Wave After Wave' et ses plus de douze minutes). Alternant ruptures multiples, sonorités indus, longs passages instrumentaux, riffing doomesque, tout concourt au bouillonnement nourri jusqu’à son apothéose.
Et puis, tout pile au milieu de ce mini-effort, comme sorti d’un songe, on a le droit à un morceau décalé, que l’on peut qualifier « d’à part ». Le gang n’a jamais caché son admiration pour Mark Lanegan. En 2005, lorsque nos lascars avaient écrits une chanson ('And With Her Came The Birds') pour leur quatrième et excellente galette « Somewhere Along the Highway », c’est au dit monsieur qu’ils avaient pensé en la composant. Avec un titre de travail comme 'The Lanegan song', le message est plus que clair. Malgré tout, les jeunes zicos d’alors n’avaient pas osé contacter l’ex-vocaliste de Screaming Trees/Queens of the Stone Age/… pour un petit guest. Quinze ans plus tard, après avoir rassemblé leur courage à deux mains, la chose est désormais réparée. La puissante et mélancolique (et si reconnaissable) voix – ici plus douce et moins grave qu’à l’accoutumée - de Marko ajoute une couleur différente et parfaite à une subtile piste minimaliste et feutrée. Dixit nos garçons, « Entendre sa voix sur 'Inside Of A Dream' nous donne vraiment l’impression de vivre à l’intérieur d’un rêve ». On plussoie.
Avec ce très bon « The Raging River », Cult Of Luna ferme proprement une page musicale et ouvre (on l’espère tout du moins) une porte pour ses futures productions. On a hâte d’entendre tout cela.