A peine le temps de se remettre de son excellent « Mankind Woman » paru en septembre 2018, que le sieur Brant Bjork refait déjà parler de lui. Bon, voilà le topo. Courant 2010, le bonhomme est dans son studio en plein milieu du désert de Californie (à Joshua Tree) et commence l'enregistrement de ce qui sera son futur effort solo. Au bout de quelques jours, l'ex-Kyuss et Fu Manchu décide tout simplement de mettre de côté les nouvelles compos qu'il vient d'entamer pour se laisser aller à quelques improvisations. Il sollicite alors à son pote et ingénieur de longue date, Tony Mason, pour appuyer sur le bouton « Rec » et laisser filer la bande. L'esprit léger, Brant s'installe derrière les fûts et donne libre cours à son inspiration du moment. Empli d'une créativité qui ne demande qu'à jaillir, il en fait de même pour les grattes, la basse, etc... Une fois ces instantanés capturés, bien que satisfait de son ouvrage, The Dude of Dudes choisi malgré tout de mettre ses « jam session » et les pistes inachevées dans des cartons.
Finalement, 9 ans plus tard, notre lascar chapeauté décide de livrer ses travaux jusqu'à lors inédits comme son 14eme opus personnel. Ce « Jacoozzi » (clin d'oeil à sa première rondelle « Jalamanta » auquel il a ajouté deux 'o' parce que c'est cool et de deux 'z' pour l'approche jazz) est à 90% instrumental. En effet, les 3 premiers quart d'heure (9 plages) sont dépourvus de vocaux. Ce genre d'album est des plus risqué car l'auditeur peut finir par décrocher si son attention n'est pas suffisamment émoustillée. A quoi donc doit-on s'attendre quand on sait que l'artiste est parti en totale impro sans forcément trop savoir où il allait s'aventurer/arriver ?. Enfin bon, on parle de Brant Bjork tout de même.
Comme à l'accoutumé, notre multi-instrumentiste distille ses riffs simples et planants. Tout au long de cet opus, la basse et la batterie sont TRES présentes. Les peaux, fûts et toms ont carrément droit à leur petit moment de bravoure (la très courte intermède 'Five Hundred Thousand Dollars'). La 4-cordes se fait redoutable d'efficacité et de groove ('Mexico City Blues'). Percussions, bongó et autres cymbales s'invitent au milieu de licks et d'interventions de guitares psychédéliques ('Guerrilla Funk'). A l'évidence, Brant s'est amusé dans ce lâcher prise en se laissant voguer vers de nouvelles contrées sonores. Dans ce maelström d'ambiances, chaque titre possède toutefois sa propre identité. Le gourou du Desert Stoner alterne avec insolence les explorations funk ('Lost in Race'), les guitares rock saupoudrées de jazz ('Can't Out Run The Sun') et les accents blues (l'hypnotique 'Black & White Wonderland'). Bjork télescope orgue hammond ('Mixed Nuts') et pédales wah-wah (l'énergique 'Oui' que ne renierait sûrement pas la légende Carlos Santana). Quel effronté ! Pour le morceau de clôture (le tout en douceur 'Do You Love Your World ?'), l'américain nous fait la surprise de chantonner délicatement pour ravir nos portugaises. Petit malin.
« Jacoozzi » ne s'adresse probablement pas à tout le monde (les jams instrus ne sont pas forcément du goût du plus grand nombre). Malgré tout, Brant Bjork prouve (même si il n'a clairement plus à le faire) qu'il demeure un compositeur toujours créatif et capable de proposer un kaléidoscope de sonorités issues de différents univers musicaux. Ne vous priver pas de ce sympathique Desert, ce serait dommage. Bon appétit.