Il faut bien l’avouer : les premières écoutes ont en effet laissé perplexe votre serviteur. Sans doute influencé par le buzz autour de Larkin Poe, et quelques prestations live plutôt emballantes, celui-ci s’attendait de la part de « Bloom Again », leur dernière livraison, à un matériau relativement original par rapport au tout-venant de la production rock-folk-country-blues.
Et le fait est que le choix d’expression des sœurs Lovell - en l’occurrence la Country Music dans ce qu’elle a de plus classique/cliché – perturbe quelque peu…Plusieurs titres caressent en effet le redneck/trucker à casquette dans le sens du poil, formellement s’entend.
Il n’est que de se pencher sur des titres tels que « Easy Love Pt1 » et son pendant « Easy Love Pt 2 », et la triplette qui clôture l’album (« Fool Outta Me », « You are the river », « Bloom Again ») pour se laisser piégeusement convaincre qu’on est face à un énième groupe qui vient nous servir une soupe trop américaine pour convaincre un auditoire plus européen.
Pourtant, d’autres pistes amènent un tantinet de singularité à l’ensemble. Ainsi, « Little Bit » vient chatouiller notre fibre liverpuldienne avec des guitares harmonisées et des suites d’accords typiques du vocabulaire des quatre garçons dans le vent.
« Bluephoria » amène une touche de rudesse avec son Blues-rock teigneux et lourd, teinté d’un voile de Soul dans les vocaux.
Enfin, le singulier « If God is a Woman”, qui retourne aux racines du Blues, faisant un clin d’œil à la tradition musicale des « native americans », avec sa pulsation incantatoire joliment modernisée par des chœurs angéliques, vient finalement donner les clefs de l’ensemble.
Car il faut aller plus loin que l’aspect purement formel du propos des deux sœurs pour appréhender correctement l’album. Là où la plupart des artistes du cru vous raconteront les sempiternelles histoires de « lonesome cowboy and a long way from home, patin, couffin,… », Rebecca et Megan Lovell viennent questionner la place de la femme dans nos sociétés, le genre (« If God is a Woman », donc…) et les schémas patriarcaux. Bref, il y a une volonté d’être un peu plus adulte.
L’actualité aidant, on peut soupçonner les soeurs Lovell d’utiliser un idiome musical pétri de conservatisme pour être audible auprès d’une certaine frange de la société US qui voit ses réflexes réactionnaires poindre à nouveau , et tenter d’infuser un point de vue différent. Dans ce contexte, « Bloom Again » est un album précieux, dont l’écoute et la diffusion sont à soutenir sans discussion aucune.