Dodheimsgard est comme un dé norvégien à plusieurs faces : le groupe emmené par Vicotnik, le seul membre original restant, a commencé en 1995 par un album de Black norvégien standard mais plutôt bon (Kronet til konge), puis un album de black'n'punk assez je m'en foutisme dans la composition ('Monumental possession'). Je ne connais que ces deux là, cependant je sais de ci de là que les albums suivants bénéficient en général tous d'une (très) bonne aura, il semble que le groupe soit passé de l'indus/black sur 'Satanic art' à du black avant-gardiste par la suite. L'album précédent remonte à 2015 soit 8 ans en arrière ! 8 ans, sur une scène musicale, celà peut faire changer énormément de choses : 8 ans, c'est ce qui sépare le premier album d'Iron maiden de 'Seventh son of a seventh son'... Il y a 8 ans, c'est le premier Lucifer, le premier Batushka, le premier Myrkur...
Comment décrire cet OMNI (Objet Musical Non Identifié) ? C'est un peu un Enslaved barré. L'album commence par un morceau de 10minutes (Joli risque, mais vu que les morceaux ne font pas moins de 8...) précédé d'une magnifique introduction très atmosphérique à la guitare acoustique avec un chant en voix claire que n'aurait pas renié Vratyas Vakyas (Falkenbach). Cette introduction vous permet de respirer avant de pénétrer dans l'univers de Dodheimsgard à la structure musicale quelque peu surprenante. Ici le but semble être de perdre, de surprendre l'auditeur. Le groupe mise son jeu sur une palette d'émotions très variée en s'appuyant sur un mixage de sonorités très différentes au sein d'un même morceau. Après cette introduction réussie, s'en suit un assaut Black metal norvégien en règle, façon Trelldom/Gorgoroth -c'est à dire, réussi, racé mais somme toutes peu original-, breaké par un passage aux arpèges très planant. Quand le morceau repart, on s'attend à une structure connue (retour au début), que nenni ! Il s'agit plutôt de la suite du break avec l'arrivée de synthé puis de samples électroniques. J'ai remis ce même morceau en arrière à 08min55s pour bien écouter ce qui arrivait : un synthé façon pop...Je ne m'attendais pas du tout à ce style, je ne sais pas si ce morceau est dans la continuité de l'album précédent, mais... c'est bizarrement réussi pour le coup. Les émotions et l'ambiance de la partie black metal précédemment décrite sont maintenues par cette partie musicale. C'est peut-être un élément central de la musique de Dodheimsgard : les breaks et changements de rythme ne semblent être là que pour mettre l'ensemble de la musique en relief.
Le second morceau poursuit le chemin et débute sur un nouvel assaut Black metal réussi une fois de plus. Cette fois, le vieux briscard que je suis ne se laissera plus avoir, autant ne s'attendre à rien et se laisser happer par ce disque. Impossible de résister, ne s'attendre à rien en particulier est une clef d'écoute. On va donc, dans ce cheminement, croiser en vrac : des éléments électro surtout dans les parties finales des morceaux, des fois que l'auditeur n'écoute que le début ... (Final de "Tankespinnerens Smerte", final de "Interstellar Nexus"), des rythmiques qui m'ont évoqué Depeche Mode ("Interstellar Nexus"), du jazz/lounge ("It Does Not Follow"), il y a même un morceau ambiant problématique sur lequel je reviendrai, "Abyss Perihelion Transit". Tous ces éléments aboutissent à un album sur lequel il n'y pas de hit ou de tube, nous sommes à la limite d'un concept album, ou plutôt un concept-voyage. Cette alternance de plans est parfois assez frustrante dans le sens où l'auditeur risque d'en détester un et de vénérer le suivant (Dernière minute de "Interstellar Nexus", milieu de "It Does Not Follow").
Après avoir écouté l'album, je n'ai trop su quoi en penser : génie musical (Premier morceau) ou pauvreté (les passages black metal standard sont majoritairement réussis sans être transcendants) masquée par des changements de rythme/sonorités ? C'est bien pour ça que le morceau "Abyss Perihelion Transit" s'avère problématique : si "Tomhet" de Burzum a su s'imposer magistralement avec le temps et ne plus passer pour un morceau joué au Bontempi, j'ai plus de doutes au sujet de ce morceau : n'est il pas là que pour allonger la durée du disque, comme le dernier morceau, "Requiem Aeternum" dont les lignes de chants paraissent avoir été enregistrées par un duo masculin/féminin ivre ?
La réponse se trouve entre les deux choix, un peu comme le morceau qui coupe l'album en deux, "Voyager" -Tiens, encore une référence aux voyages-, une mélodie langoureuse au piano... Au moins, l'album ne laissera pas indifférent, n'est ce pas là un des buts de la musique ? Tous les passages metal ou de nombreux autres m'ont bien plu, d'où une note plutôt correcte ... mais sans risque (non plus, finalement ?). Pour sa structure, l'album dure trop longtemps à mon goût, 20min en moins de passages expérimentaux un peu douteux et nous aurions eu un album détonnant.