Les allées bordées de saules…les cabanes en bois au bord du bayou…le soleil couchant sur le delta du Mississipi…les rocking chairs qui balancent doucement au son d’une ritournelle country -ou blues, c’est chacun son goût- entonnée avec un accent à couper au couteau au son d’une guitare acoustique, voire d’une Cigar Box Guitar ou tout autre instrument bricolé…malgré une mentalité entâchée de ségrégationnisme et de bigoterie, le Sud profond des Etats-Unis cultive par ailleurs une certaine douceur de vivre, qu’une certaine sorte de musique sait restituer.
BlackBerry Smoke fait clairement partie de ce club des groupes qui te rappellent que « la vie c’est bien » quand on « laisse le bon temps rouler » (accent cajun en sus).
Car de coolitude il est bien question dans cette huitième livraison du combo d’Atlanta, Géorgie (l’autre, pas celle des rugbymen qui eurent un joli parcours lors de la récente coupe du monde de rugby…pardon, votre serviteur s’égare…). Le dénominateur commun des dix perles de « Be right Here » est en effet la coolitude qui s’en dégage.
Ici, foin de riffs teigneux, de gros son (quoique, tout dépend ce qu’on entend par cette expression…), de paroles braillées, de soli branle-manche où l’on fait couiner la six-corde. Que ce soit sur un ton bluesy et laidback (« Dig a hole »), plus champêtre (le bucolique « Azalea », le lumineux « Other Side of the Light ») ou dans des humeurs plus dansantes (« Like it Was Yesterday », « Don’t mind if I do »), les hippies d’Atlanta, tels des artisans soucieux du beau geste et du produit amoureusement fait, livrent des titres pas bavards, qui vont à l’essentiel, et filent globalement la banane.
Les chœurs sont ciselés et classieux, les guitares au son à peine sali d’un chouia d’overdrive pour l’électrique, aux arpèges soyeux côté acoustique, viennent vous caresser l’oreille avec bonheur.
Les compositions répertorient l’ensemble des climats/riffs/harmonies classiques d’une certaine époque de la musique US ( en clair : les années 70), citant – très- ponctuellement les cousins britanniques (le poppy « Be so lucky » évoquant les Fab Four, le plus stonien « Little Bit Crazy »), plus logiquement les Eagles de la Grande époque (celle de « Take it Easy »). On est en terrain connu, dans le bon sens de l’expression : les morceaux font l’effet d’un doudou rassurant, ou d’un plaid qui réchauffe pendant une soirée d’hiver, ou d’une soirée tranquille entre amis autour d’un barbecue et de quelques roteuses un soir d’été…
Les paroles participent également de cette positivité, racontant les petits bonheurs simple de la vie de la vie, sans jamais tomber dans la tristesse. Tout juste sent-on parfois pointer une douce mélancolie. L’on est presque étonné de ceci, sachant le contexte particulier dans lequel l’album a été écrit et révélé au public (composition durant la pandémie, retard d’un an pour la sortie de l’album, maladie d’un membre du groupe qui perturbe le déroulement des dernières tournées…)
L’on ressort ragaillardi de l’écoute de « Be Right Here ». Alors que l’époque et l’actualité incitent plutôt à la morosité, BlackBerry Smoke livre ici un chouette médicament qui offre l’avantage d’être sans effet secondaire notoire, mis à part un sourire béat qui fait dire à l’auditeur : « Ouais, c’est cool d’être cool ! ». Une bulle de bonheur, à savourer sans modération !
PS : cet article est dédié à la mémoire de Brit Turner, batteur du groupe, qui s’est accroché suffisamment pour voir la sortie de cet album, mais qu’une saloperie de cancer du cerveau a fauché à peine un mois après. C’est moche…