Si l’on excepte le très bon live « Waiting for the Night »sorti en 2020, nous n’avions pas eu de nouvelles de nos amis norvégiens d’AUDREY HORNE depuis bien quatre ans. En effet, c’est en 2018 que sortait dans les bacs « Blackout », leur sixième excellent album.
Le COVID-19 venant mettre son grain de sel, il a fallu à nos cinq compères composer avec les contraintes d’une pandémie qui a chamboulé – et chamboule encore, bien que dans une moindre mesure – la bonne marche de notre planète, pour nous présenter le résultat de leurs derniers travaux.
Et il faut dire qu’il est attendu, ce -déjà- septième album. Premièrement, parce que le groupe fête cette année ses noces de porcelaines (Hé ouais, ma brave dame : 20 ans d’existence, c’est pas rien !). Ensuite, parce que depuis leurs débuts (plutôt post-grunge), et tout en amorçant un recentrage stylistique vers un hard-rock plus classique, nos vikings n’ont jamais déçu, tant sur disque qu’en concert.
Rassurons donc les anxieux et les inquiets de tous poils : cet album ne décevra personne ! Car encore une fois, le quintette de Bergen dégage une belle dose d’énergie rock’n’roll, et l’on se surprend à pousser des soupirs de contentement dès les premières notes.
Avec « Ashes to Ashes », les cinq norvégiens institutionnalisent le titre d’ouverture à l’intro épique. Procédé introduit sur « Youngblood » avec le maidenien « Redemption Blues », et réitéré avec le –là aussi- maidenien « This is War ». Pourtant, contrairement aux deux chansons précitées, on plonge ensuite dans ce que le Big Rock West Coast US – voire l’AOR - fait de plus sexy et direct, avec notamment une rythmique dans les couplets qui évoque bigrement les coups de piston d’un V-twin ou d’un big-block. On se surprend à fermer les yeux et s’imaginer cheveux au vent, fonçant sur une Highway. On n’est pas non plus très loin du « Danger zone » de Kenny Loggins (vous savez, les premières images de « Top Gun », quand le F-14 décolle…) ou du « Mighty Wings » de Chip Treack (toujours « Top Gun »), les claviers « so 80’s » en moins…
On appuie ensuite sur le champignon en mettant dans « Animal » une intention plus punk, à la manière d’un Motörhead (celui de « Ace of Spade ») avec son battement à la double grosse caisse et sa basse distordue. Espen Lien est habité par l’esprit de Lemmy, et ça défouraille sec. Deuxième piste, deuxième hymne en puissance pour les concerts, avec ses « Ho-ho-ho » imparables.
Sans reprendre son souffle, on est déjà emporté par « Break Out » et son refrain aux relents de « Léopard Sourd », habilement assorti à un pont conséquent plus mid-tempo et bluesy, voire parfois rock prog 70’s, avec ses arpèges traités à la cabine Leslie (ou l’Uni-vibe, enfin un truc dans le genre, quoi…), qui aboutit sur un final tout en guitares harmonisées.
Energie punk qu’on retrouve avec le speedé « Toxic Twins » : ça fonce pied au plancher, ça va à l’essentiel et ça te met une bonne mandale. On notera un pont à l’esprit très Hendrixien (« Foxy Lady »et « Purple Haze » rodent alentours), qui montre –comme d’ailleurs tout au long de l’album- qu’Audrey Horne assume ses influences - nous y reviendrons.
Et puis il y a LE point notable de l’album, annoncé par l’instrumental « Return to Grave Valley », lui aussi gavé de testostérone dans l’intention et l’attitude : il flotte un indéniable parfum émanant de la « Vierge de Fer » dans la plupart des compositions. A commencer par cette quatrième piste qui décortique véritablement certains principes de construction d’un morceau de la bande à Steve Harris. Mais entendons-nous bien, il ne s’agit pas ici de simplement repomper des recettes. Les vikings réussissent le tour de force de capter l’essence maidenienne, en lui injectant l’énergie qu’AUDREY HORNE déploie tant sur disque qu’en concert.
Energie qu’on retrouve avec le second single –qui donne d’ailleurs son titre à l’album- « Devil’s Bell », dont le refrain emporte tout sur son passage, et fera à n’en pas douter partie des sommets d’ »epicness » des prochains concerts du quintet. Les guitares d’Arve « Ice Dale » Isdal et Thomas Tofthagen montrent les crocs tout le long de cet hymne épique sans débander un seul instant. Pensez à prendre votre brosse à cheveux si vous les portez longs, le headbanging frénétique provoqué par ce tube vous amènera certainement à une séance de démélage capillaire.
Enfin, il y a « All is Lost » qui propose une intéressante relecture du riff d’intro de « Wasted Years » de la décidément très présente Vierge de Fer, pour ensuite vous sauter à la gorge avec une composition épurée, efficace et rageuse au possible. On notera d’ailleurs la performance remarquable de Torkjell « Toschie » Rød, qui vient chercher les notes les plus aigües de sa tessiture avec une belle énergie.
« Danse Macabre » nous ramène à une matière plus sombre et gothique, avec une utilisation plus prononcée de la réverbération et des synthés analogiques. On se rapproche un peu plus de ce qu’ont produit les norvégiens avec leur troisième opus, même si dans sa construction l’aspect post-grunge est désormais définitivement abandonné. Et puis il flotte un je-ne-sais-quoi de Sabbathien dans l’esprit, avec notamment une prestation « Osbournienne » en diable (sic) de Toschie.
On retrouve cet esprit avec le titre conclusif de l’album, « From Darkness », qui appuie un peu plus sur l’aspect progressif de la musique des cinq de Bergen. Très rock au début, le morceau glisse doucement vers un matériau plus pop, nappé de sonorités synthétiques 70’s. Genre : on démarre sur « Youngblood » et on se retrouve sur l’album « éponyme ». C’est malin, très beau, et ça vous abandonne avec une furieuse envie de reprendre l’écoute depuis le début.
Le travail de Toschie sur les vocaux (ces harmonies, mazette !) est remarquable de pertinence et d’engagement (« All is Lost », encore), et participe grandement à l’énergie qui se dégage de l’album.
De même, la production équilibrée met en valeur la section rythmique sur un pied d’égalité avec le binôme de guitaristes. Tant le batteur Kjetil Greve que le bassiste Espen « Funky Town » Lien, font la démonstration d’une énergie, d’une efficacité et d’une belle finesse (le juste accent au bon moment).
Puisqu’on parle de production, celle-ci – pandémie oblige – a amené Arve Isdal a en prendre la charge, en plus de son poste de six-cordiste. Ayant déjà assuré le travail sur le deuxième album du groupe (« Le Fol », hautement recommandable), celui-ci reprend les manettes, avec l’appui au mixage de celui qu’on pourrait considérer comme un sixième membre du groupe : Herbrand Larsen (qui intervient à différents degrés sur la plupart des albums, et qui fit d’ailleurs partie de la formation sur leur premier opus « No Hay Banda », avant de devoir se recentrer sur son poste de claviériste chez Enslaved, où officie également son compère Arve Isdal…le monde est petit, non ?). Le résultat est largement à la hauteur des attentes, et l’on se surprend à se demander si nos gaillards ont vraiment besoin de faire appel à des producteurs extérieurs.
Avec un peu de recul et après quelques écoutes, ce nouvel ouvrage des norvégiens réussit un beau numéro d’équilibriste : baignant dans une atmosphère malgré tout assez sombre (les thématiques traitées dans les paroles n’incitent pas à la gaudriole), il est paradoxalement habité d’une énergie (vous noterez la redondance du terme dans cet article...) qui invite à se lâcher et promet de beaux moments en concert. Par ailleurs, sur une base classique et ne cachant pas ses influences, il n’en reste pas moins un pur album d’AUDREY HORNE.
Car en effet, d’aucuns pourraient penser, à la lecture du présent article, qu’avec « Devil’s Bell », Audrey Horne a définitivement fait le deuil de toute volonté de produire une musique 100% originale, se contentant de repomper les gimmicks de leurs groupes favoris. Ce serait faire un faux procés au quintet, qui –comme déjà dit plus haut- assume ses influences, et en fait un socle sur lequel il s’appuie pour nous emmener là où il le souhaite. Car encore une fois –la répétition fixe la notion- ce septième album d’Audrey Horne est avant tout habité par une énergie qui incite à bouger, crier, secouer la tête, taper du pied et des mains…en bref : à vivre ! Et dans l’époque décidément troublée que nous vivons, c’est définitivement un cadeau précieux.
PS : spéciale dédicace à Christophe Z. Darras, Antoine « Tonio » Robert, l’équipe du RaismesFest 2013, Spenser Freeman du « Fernando Rock Show », le Nouveau Casino et la Trattoria da Gigi, ma grande amie Narm Hell, et Morgan Rivalin…ceux qui savent sauront…