«Quand on mixe Rage Against The Machine avec les Red Hot et qu'on y ajoute une bonne dose d'auto-dérision et de bonne humeur, on obtient Z-Band qui nous gratifie d'un 2ème album totalement autoproduit, efficace et qui ne se prend pas au sérieux»
Qu'est-ce qui peut bien pousser un groupe à choisir comme nom la dernière de l'alphabet et ainsi se retrouver au fin fond des étagères de la Fnac ? Avec Z-Band on est clairement à l'opposé de l'intention présumée des membres de AIR, plaisir coupable de votre serviteur, qui se seraient, eux, baptisés ainsi avant tout pour des questions de référencement et de visibilité en rayon.
Mais rassurez-vous, niveau énergie, bonne humeur et surtout musicalement, le groupe Z est loin d'être le dernier de la classe.
« Z » serait en réalité une référence à un documentaire intitulé « Zeitgeist » réalisé par l'américain Peter Joseph et disponible en libre diffusion sur Internet depuis 2011. En allemand, le terme pourrait se traduire par « l'esprit du moment », comprendre par là le paysage culturel, intellectuel, les paradigmes d'une époque. Le documentaire présente une sorte de théorie du complot déguisée selon laquelle le fonctionnement des sociétés occidentales actuelles reposerait sur trois évènements majeurs : le christianisme, les attentats du 11 septembre et la création de la banque centrale américaine. On se croirait dans une partie de Blanc Manger Coco ou Limite Limite.
Jerry - Jay - Delmotte, le batteur et tête pensante du projet a été vivement marqué par ce documentaire. Il en a tiré une méfiance vis-à-vis du système, un intérêt pour les alternatives au capitalisme et un attrait pour la lettre Z, qui représente aussi pour lui l'aboutissement, le questionnement perpétuel, l'énergie de la dernière chance.
Z-Band ce sont donc quatre wallons très actifs de leur côté et rassemblés sous la signature du cavalier qui surgit hors de la nuit : Jerry Delmotte à la batterie, Michel Vrydag à la basse, Morgan Tuizir à la guitare et Matthieu - Matt - Van Dyck au chant. Le line-up bien lancé et totalement autoproduit en est déjà à son deuxième album, le premier, ''No Loose Behavior'' avait atteint la sixième place de l'Ultratop belge avec...360 albums vendus. Jay précise que pour un groupe qui n'a pas de label, c'est plus qu'honorable et il a raison, je vous mets au défi de vendre un CD par jour pendant un an, tiens. ''Apocaliquids'', le nouvel album, vise a priori les mêmes ventes mais avec une ambition internationale cette fois-ci car le disque sera distribué dans l'Hexagone par M&O Music, qui se chargera également de la promotion du groupe chez nous.
Parlons justement de cet ''Apocaliquids''. Jay se montre franc et direct, tout comme la musique de Z Band, en ne cachant ni ses posters de Rage Against The Machine et Red Hot Chili Peppers, ni sa tendance à être influencé directement par lesdits groupes principalement. « On ne se réinvente pas » dit-il.
En effet, on retrouvera dans Apocaliquids plusieurs titres à l'énergie et aux sonorités si typées RATM/Audioslave qu'on en vient à se demander si le fameux « Z » qu'arbore le groupe ne désigne tout simplement pas Zack de la Rocha. C'est impossible de ne pas penser à Tom Morello dans le jeu de guitare et à RATM dans la construction des grooves. Citons comme exemples les très efficaces 'Diamonds in the Rough' avec l'utilisation de ce qui ressemble fort à une Whammy (pédale d'effet de guitare permettant de modifier la hauteur de note), 'Party in the Hellhole' avec sa rythmique typique du quatuor californien contestataire, 'Right Here Right Now', et surtout le titre éponyme de l'album avec son couplet soutenu par une guitare en palm mute à la 'Killing In The Name', son refrain très efficace et groovy et son frisé de caisse claire qui fait doucement monter la sauce vers la moitié du titre avant d'éclater sur un pont qui donne envie de sauter sur scène, guitare à la main. C'est signé.
C'est sûr qu'on ne peut pas reprocher à Z-Band d'être incohérents. Dénoncer le système capitaliste, s'intéresser aux théories du complot et jouer une musique proche de RATM, ça ferait presque ton sur ton.
N'allons pas si vite. A ceux qui déjà commenceraient à vouloir reprocher au groupe leur manque d'originalité, le groupe a réservé des moments de pur délire, de fantaisie et beaucoup de second degré. C'est ça qui fait la grande force du groupe Z. Ils ne se prennent pas du tout au sérieux. Et on prend plaisir à découvrir les petits moments WTF qui parsèment leurs titres. Citons à titre de teaser : l'intro du tout premier titre de l'album faite a capella, les « lalalalalalala » sur le pressé 'Always Running', les voix off de Matt sur la fin d'''Apocaliquids'', les bruits d'animaux sur 'Jezebel and the Farmer'...Ce morceau très drôle fait d'ailleurs vraiment penser à Stupeflip, un autre plaisir coupable de votre serviteur, décidément. On y retrouve pas mal des ingrédients : parodie de chant pop easy listening sur le refrain, doublés de paroles criées par derrière, bruitages, le tout sur un bon riff de grunge/punk...si, si écoutez donc 'Pop Hip's Revenge' sur ''Stup Religion''...bref, je m'égare.
D'ailleurs c'est l'occasion de saluer l'excellente performance de Matt au chant qui montre une capacité d'interprétation remarquable. Il sait se montrer puissant, très rock mais aussi rieur et joueur, assez laid-back et cool...il n'est jamais dans un seul registre, ce qui démontre de sa part une belle palette d'interprétation.
Car il y a plusieurs facettes à Z-Band. Ce côté laid-back, détendu et cool justement. Prenez 'Spread Your Love' : le tempo est plus modéré, il y a des choeurs pop sur le refrain, un titre assez Red Hottien.
Z-Band joue enfin avec certains des codes du nu-metal, notamment la voix filtrée et les voix parlées légèrement saturées en off qui semblent provenir d'un haut-parleur : 'Mother Nature' par exemple.
Nous avons parlé de Matt au chant mais Jay à la batterie n'est pas en reste. Il tient tout au long du disque un groove solide qui maintient tout ce beau monde en place. Impossible de le manquer dans le mix qui met la section rythmique très en valeur. On regrettera peut-être, tatillon que nous sommes, une prod de caisse claire un peu plate et un kick qui sonne un peu trop plastique.
''Apocaliquids'' c'est un concentré de bonne humeur. On imagine bien que les musiciens se sont amusés à le faire et ça se ressent dès la première écoute. C'est un disque qui donne la pêche et le sourire, avec des titres énergiques, second degré, tantôt très rentre-dedans, tantôt plus cool et groovy, mais toujours exécutés avec sincérité et maîtrise. Rajoutez à cela une bonne dose d'humour et d'auto-dérision et vous obtenez un album sans prétention mais qui nous fait passer un bon moment. Et c'est tout ce qu'on lui demande.