Jouissant dans le milieu hexagonal d'un succès d'estime qui commençait à s'exporter (à la grande joie de notre Ministère du Redressement Productif) depuis leur précédente production « Corps », nul doute que « Beauté Païenne » contribuera à accroitre leur notoriété.
Dès les premières mesures de « Beauté Païenne », le titre d'ouverture éponyme, il est clair que ces ptits français soutiennent la comparaison avec les anglo-saxons : gros son parfaitement actuel, guitares puissantes et titres efficaces. Mais davantage que « from the States », c'est du Brésil que provient la référence la plus évidente, à savoir Sepultura (excusez du peu !). Référence presque trop évidente, puisque outre la section rythmique (comprenant un bassiste d'origine brésilienne) et un guitariste-chanteur, le 4e membre du gang est percussionniste, ce qui confère à Abinaya sa touche ethnique, puissante et groovy (cf les titres « Arawaks », « Nord Sud »).
Belle réussite, d'autant que le groupe y agrège des influences trash et hardcore, ainsi qu'un sens aïgu du riff ou du refrain qui marque (« La haine » ou « Le nouvel insurgé »). S'y ajoutent même des ambiances gothiques sur l'original « Epitaphe ».
Passons ensuite au sempiternel et inévitable débat sur le chant en français. Même si celui-ci a ses inconditionnels, il faut reconnaître que l'utilisation de la langue de Molière (ou d'Yves Duteil c'est selon) dans le rock et a fortiori le metal apparaît comme un handicap, étant reconnu que les sonorités de l'anglais épousent mieux les contours d'une musique puissante.
Défi en partie relevé, grâce à un chant énergique, émaillé de quelques passages mélodiques, mais qui globalement lorgne plutôt du côté d'un Reuno de Lofofora (un tantinet moins agressif toutefois). Le seul bémol provient des textes, sur lesquels l'attention des francophones, et donc le niveau d'exigence, est forcément décuplée : si l'on sent une belle sincérité dans certains textes « à message » (« La Haine ») voire engagés (« Le nouvel insurgé » : une belle réussite sur ce plan), l'écoute de la poésie ampoulée qui accompagne la ballade « Le noir soleil » ne sera tolérable que pour les amateurs d'Hubert-Félix Thiéphaine !
En bref, n'est pas Trust ou No One Is Innocent qui veut, cependant ce nouvel album d'Abinaya confirme un talent indéniable, auquel il ne manque qu'un petit quelque chose pour marquer l'époque d'un nouveau et tonitruant « cocorico » !
Larry