Hexenhammer
Baptman
Journaliste

BURNING WITCHES

«Les demoiselles de Burning Witches reviennent nous ensorceler avec dans leur chaudron un album de heavy un peu trop classique mais qui comporte toutefois quelques perles»

12 titres
Hard Rock
Durée: 48 mn
Sortie le 09/11/2018
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Les formations exclusivement féminines sont plutôt rares dans le métal, et chose intéressante, on remarque que le heavy en est sans doute le sous-genre qui en comporte le plus. Citons parmi les plus connues Hellcats, Mystica Girls, Blackthorn, Hysterica, Frantic Amber...et bien sûr les suisses de Burning Witches, venues de Brugg dans le canton d'Argovie.

Un an seulement après leur album éponyme, les voilà qui reviennent en force avec un tas de nouveaux sorts et un second album : ''Hexenhammer'', tout chaud sorti du chaudron. Oubliez Harry Potter, ma sorcière bien aimée et vos « trick or treat » d'Halloween, ici ce sera plus ambiance chasse aux sorcières, inquisition et bûcher bien chaud sur fond de heavy métal, idéal à l'approche des premiers frimas de l'hiver...

A l'origine des Witches, il y a Romana, lead guitariste. Sur les bancs de son université musicale, cette dernière avait déjà formé un groupe : Atlas & Axis avec qui elle avait fait ses premières armes : en l'occurrence 2 albums et plusieurs concerts. Mais son ambition de toujours était de former un groupe de heavy 100% féminin.

En 2015, Romana se met donc en quête d'autres sorcières pour former son groupe. Son amie de longue date Jay assurera la basse et Seraina, rencontrée lors d'un festival et avec qui l'entente fut immédiate, sera la chanteuse. Après plusieurs auditions au printemps et été de la même année, le line-up était complet avec l'arrivé de Sonia en seconde guitariste puis de Lala à la batterie (dont vous pourrez retrouver l'interview sur ce site). Romana contacte alors son ami Schmier de Destruction pour lui proposer de produire d'abord trois titres. Schmier, ensorcelé par le projet, ira plus loin et s'associera avec V.O Pulver (Panzer, Destruction, Pro-Pain) pour sortir ''Burning Witches'', le premier album en 2017 et ''Hexenhammer'' qui nous occupe aujourd'hui.

''Hexenhammer'' se traduit de l'allemand par Marteau des Sorcières (ou Malleus Maleficarum pour les latinistes distingués parmi vous).

Il s'agit d'un traité publié en 1486 par deux dominicains allemands: les facétieux Heinrich Kramer et Jacob Sprenger. Ce best-seller de l'époque qui, grâce à l'arrivée de l'imprimerie, connaîtra de nombreuses rééditions, servira de guide et de justificatif à la chasse aux sorcières qui marquera le XVème siècle en Europe. Parmi les instructions et informations qu'on trouve dans ce manuel figurent des avertissements contre les avocats des accusées de sorcellerie, susceptibles d'être ensorcelés eux-mêmes, des descriptions détaillées des « marques du diable », ces particularités physiques observables chez les femmes ayant prêté allégeance au Malin ainsi que plein de conseils très pratiques sur les méthodes d'extorsion des confessions à base d'ordalie à l'eau glacée, rasage au fer rouge etc. Bien qu'il fut rapidement condamné par l'Eglise catholique et mis à l'Index des livres interdits, on continua de se le passer sous le manteau jusqu'en 1669, date qui marque la fin de la période principale de la chasse aux sorcières.

Les Burning Witches, du fait du nom de leur formation et de leur proximité avec l'Allemagne se sentaient directement concernées par ce thème. Selon Lala, la batteuse, le Hexenhammer est abordé dans la moitié des titres de l'album sous forme de citations dans les paroles, de référence à la dernière sorcière brûlée en Suisse ('Executed') et de bruitages sinistres évoquant des donjons peu accueillants ('Dungeon of Infamy'). Les autres thèmes du disque tournent autour de la nature humaine, de la guerre et de la destruction, pas trop de surprises, donc.

Avec Burning Witches on a affaire à du heavy metal tout ce qu'il y a de plus classique et efficace : 'Executed' avec ses solos en tapping et sa double grosse caisse rappelle dès l'intro Slayer ou Judas Priest, ‘Maiden of Steel' rappelle énormément les productions d'un groupe au nom similaire… L'album a son lot de morceaux efficaces et destinés à déchaîner l'énergie de la foule comme 'Dead Ender', un morceau plus mid-tempo idéal pour headbanger dédicacé à ce brave Heinrich, mentionné plus haut.

On notera dans Hexenhammer la performance vocale impressionnante de Seraina Telli. La chanteuse prouve à ceux qui en douteraient encore qu'elle n'a rien à envier à ses homologues masculins et qu'elle est surtout remarquablement versatile.

Elle se montre tout à fait l'aise dans plusieurs registres : chant clair haut perché sur la majorité de l'album, voix semi saturée sur ‘Executed', scream sur le début ‘Lords of War'ou encore plus intimiste sur la ballade ‘Don't Cry My Tears'. On entend du Dio, du Dickinson et surtout, surtout…on reconnaît la voix de la Grande Sorcière elle-même : la légendaire et sulfureuse Jinx Dawson, chanteuse du groupe (oc)culte Coven et ni plus ni moins que l'inventeuse du « horns-up ». Pour ceux qui ne connaîtraient ni Jinx ni Coven, c'est vous qui mériteriez le bûcher, allez tout de suite corriger cette hérésie et ne revenez pas lire cette chronique tant que vous n'aurez pas au moins deux inquisiteurs et Christine Boutin sur le dos. En les ayant en tête, force est de constater que Seraina apparaît comme la plus loyale disciple de la chanteuse de Coven sur des morceaux comme les excellents ‘Lords Of War, ‘Open Your Mind' et ‘Maiden Of Steel'.

Les titres les plus accrocheurs de Hexenhammer dès la première écoute sont justement ces trois-là. ‘Lord Of War' avec sa guitare rythmique redoutablement efficace tout au long du titre, sa ligne vocale et ses solos de guitare, maîtrisés sans tomber dans la démonstration pure et simple, ‘Open Your Mind' avec sa double pédale galopante et ses intonations de voix incantatoires et ‘Maiden of Steel' avec sa diction narrative et son rythme de marche épique. Si vous ne devez écouter que quelques morceaux de ''Hexenhammer'', écoutez ces trois-là. Vous aurez entendu l'essentiel.

Le reste de l'album est en effet malheureusement un peu anecdotique. Si l'on exclue les deux pistes d'ambiance 'The Witch Circle' et 'Dungeon of Infamy' qu'on zappera dès la deuxième écoute, on se retrouve avec des titres pas mauvais au demeurant mais qu'on a tôt fait d'oublier. Egalement, votre serviteur n'a jamais été un grand fan des ballades hard rock et heavy, ce n'est donc pas la fade et assez convenue ‘Don't Cry My Tears' qui va changer cette opinion.

Soyons francs, Burning Witches ne réinvente pas le genre. On sent au contraire un attachement à un panthéon d'influences et une volonté bien légitime de rendre hommage, souligné de manière assez nette par la reprise de 'Holy Diver' de Dio, assez réussie et proche de l'original, qui conclut l'album. Mais après tout, chaque album n'a pas la même vocation et tant que les choses sont bien faites, avec sincérité et dans le respect du style, ce qui est le cas ici, on serait un peu dur de bouder l'album.

''Hexenhammer'' est un album sans prétention que ce soit du point de vue de la composition ou de la façon dont le thème est traité, plus comme une ambiance générale qu'un concept central. Cela peut expliquer une majorité de titres dispensables pour qui aurait un tant soit peu déjà écouté pas mal de heavy metal. Par contre, il serait très regrettable de passer à côté des quelques perles, principalement vocales, que comprend l'album. On souhaite vivement que Seraina Telli poursuive cette orientation à la Jinx Dawson et que son acolyte Romana lui concocte des morceaux à des tempos plus medium et lents pour lui permettre de jouer au maximum avec sa voix et sur l'interprétation du texte.

Les Burning Witches viendront ensorceler la France fin janvier prochain à Paris et à Lyon en compagnie de Grave Digger. Sortez vos grimoires et révisez bien d'ici là !