Quand At The Gates est revenu d'entre les morts en 2014, le succès fut triomphal. Malgré 18 ans d'absence, les Suédois n'avaient rien perdu de leur superbe et ''At War With Reality'' avait été encensé par (quasiment) toutes les critiques, louant les qualités d'un album qui remplit haut la main le strict cahier des charges du Death Metal mélodique. 4 ans plus tard, At The Gates est de nouveau sur le pont de guerre même si l'affaire semblait mal engagée avec le départ (encore une fois) de l'illustre Anders Björler, principal compositeur du groupe.
C'est donc sans Anders Björler que ''To Drink From The Night Itself'' a été composé, et quand on connait le poids de celui-ci avait dans le processus créatif d'At The Gates, les questions furent nombreuses. Sauf peut-être pour les principaux intéressés qui ont vu dans ce coup du destin une opportunité, celle de ne pourquoi pas donner une nouvelle impulsion au groupe. La composition de ''To Drink From The Night Itself'' est l'oeuvre du binôme Tomas Lindberg (chant) et Jonas Björler (basse et frère d'Anders), et puise sa source dans les écrits de Peter Weiss, écrivain et dramaturge allemand, et son roman ''L'Esthétique de la résistance'' (3 tomes de 1971 à 1981), basé sur la Lutte ouvrière, antifasciste et le rapport que l'humanité entretient avec l'art.
Le moins que l'on puisse c'est que le duo a été très inspiré durant la composition de ''To Drink From The Night Itself'', l'identité d'At The Gates est plus que jamais présente et l'on retrouve durant la totalité de l'opus cette alchimie incroyable entre la puissance et la mélodie. Plus direct et old school qu'''At War With Reality'', ce nouveau brulot est constitué de titres majestueux, à l'image du terrifiant 'A Stare Bound In Stone' qui déboule comme un rouleau compresseur ou encore du plus mi-tempo 'Palace Of Lepers' dont les riffs lourds résonnent bien longtemps après avoir été joués. Aucun doute possible, A.T.G. est dans une forme étincelante, preuve en est avec 'Daggers Of Black Haze', subtile mélange de guitares vengeresses et d'arpèges mélodieux, surplombés par une basse ultra présente. Pour le peu qu'on soit un peu nostalgique, on ne peut s'empêcher de penser aux grandes heures d'At The Gates au début des 90's et notamment celles de ''Slaughter Of The Soul'' (1995) dont 'A Stare Bound In Stone' et le titre éponyme possèdent quelques réminiscences, ne serait-ce que dans le côté épique. 'The Chasm' est également à citer comme l'un des joyaux de ''To Drink From The Night Itself'', véritable cavalcade de Melo Death, ce titre témoigne à lui seul de la virtuosité des Suédois et de leur faculté à marier le beau et le triste. Au-delà du travail irréprochable dans la composition et la production, ''To Drink From The Night Itself'' trouve également sa force dans les vocaux d'un Lindberg au sommet de son art, dont le timbre de voix est reconnaissable entre mille. Tout comme dans cet artwork d'une beauté indéniable aussi mystérieux que fascinant.
Au moment de faire le bilan, il n'y a aucune surprise, ''To Drink From The Night Itself'' est purement et simplement l'une des plus belles oeuvres de Death Metal mélodique toutes époques confondues. La perte d'Anders Björler n'aura finalement eu aucun impact sur l'identité d'At The Gates, elle l'a peut-être même renforcée, ce qui à l'origine paraissait inconcevable, et pourtant.