Report The Lillingtons au Trianon le 07/05/2019
Stephane Masson
Journaliste

«Le Punk de The Lillingtons plonge le Trianon dans la noirceur...»

Créé 07/05/2019
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Bad Religion.
Rien que d'évoquer le nom de ce légendaire (et l'un des plus anciens) groupe de punk-rock californien, ça force le respect.
Le groupe a vu le jour du côté de San Fernando Valley tout près de Los Angeles en 1979 et n'a cessé de tourner et de sortir des albums plus mythiques les uns que les autres depuis. Disons-le ici, une bonne fois pour toutes : s'il n'y a pas Bad Religion, il n'y a pas de punk-rock US.
C'est donc tout émoustillé que j'arrive dans cette magnifique salle du Trianon et que je monte les somptueux escaliers menant à l'étage et à la salle de bal. Le volume du hall est gigantesque. Les fans déambulent entre le bar, le stand de merch (dont celui de Bad Religion est tenu par un sympathique et très courtois monsieur, dans le circuit depuis 20 ans) et la salle de concert elle-même.
L'affiche du soir est composée de The Lillingtons et Celkilt, qui auront le privilège d'ouvrir pour nos vétérans californiens.


Drôle d'ambiance pour les premières notes du quatuor pop-punk venu du Wyoming, qui est davantage une terre de cow-boys que de punks. Mais ne boudons pas notre plaisir, d'autant que ce groupe, qui rappelle follement Teenage Bottlerocket (eh ! normal, c'est Kody, qui gratte et chante dans les 2 groupes…) offre une belle musique. Pour décrire le son de The Lillingtons, ce serait comme TBR, en plus dark. Un pop-punk un peu mélancolique et sombre. D'ailleurs qu'est-ce qu'il fait sombre ici ce soir. Cela n'empêchera pas le groupe de jouer de beaux morceaux, propres et mélodiques, bien servis par un son déjà très propre. Bon, la salle est vide et les musiciens enchainent leurs titres pendant une vingtaine de minute sans mot dire. De jolis morceaux, simples, efficaces et sobres. On sent les punkers concentrés sur leur musique et pas vraiment sur leur public. Ceci dit cela n'a rien de si gênant. Les gars font le job dans une atmosphère qui commence à se réchauffer en toute fin de set. Une bonne première partie.
Exit The Lillingtons, place aux lyonnais de Celkilt.


Changement de plateau oblige, c'est l'heure d'aller se rafraichir à la source (aka le bar), surtout que demain c'est férié [NDLR : l'abus d'alcool est dangereux pour la santé, consommez avec modération]. Et on retourne dans le « théâtre » pour assister à une nouvelle performance de Celkilt. Et oui car il s'agit bien de vraies performances que délivre le groupe sur scène ! Faut dire que leur punk-folk celtique à la Real McKenzies met immédiatement l'ambiance. On sent le groupe très heureux d'être là, d'ailleurs le chanteur le dira lui-même. Ouvrir pour Bad Religion quand on achetait leurs cassettes (tu sais, l'ancêtre du mp3) il y a 20 ans, c'est un rêve qui devient réalité. Et Celkilt prouve qu'il a sa place à côté des plus grands. Le jeu de scène est excellent : énergique, drôle, passionné. Les instruments servent parfaitement les mélodies celtiques : guitare sèche, violon, cornemuse et flûte celtique. On va appeler ça un flutiau, tiens. Ou un fifrelin peut-être. Et que dire de ces musiciens qui se produisent en kilt ? Eh bien que ça aère, nous en avons eu la démonstration, merci bien. Bon, en tout cas, le set est assuré. La fosse se réchauffe, ça rigole, ça boit des coups, les gens se mettent à chanter et à danser ; votre serviteur sera même happé sans trop de résistance dans le premier et seul circle pit de la soirée. Celkilt a assuré avec ses morceaux enjoués et son style. Une très bonne deuxième partie. Tout le monde est désormais fin prêt pour les tauliers du punk-rock !!!




Et les voilà qui rentrent sur scène en toute simplicité et en toute sobriété. Bad Religion. BAD RELIGION ! 4 décennies de carrière, de tournées mondiales et surtout d'albums qui ont inspiré tant de groupes : de NOFX à Pennywise en passant par Rise Against, Offspring et bien d'autres encore. Il faut dire que Bad Religion, c'est un son. Une véritable marque de fabrique faite de riffs mélodiques accrocheurs, souvent mélancoliques et des choeurs incroyables rendant leurs morceaux poignants et entêtants. Ce n'est donc pas sans une certaine émotion que je prends place en voyant la légende investir la scène.


Eh bien pour l'occasion c'est déjà plus rempli. Il est 20h40 quand les premières notes retentissent et c'est parti pour 1 heure et demi de chorale punk. Oui, parce que quand Bad Religion joue, les fans chantent. Vraiment (mal). Moins de moshing, plus de singalongs. C'est ça que d'écrire et de jouer de belles chansons, aussi punks soient-elles. C'est donc avec le premier titre ‘Chaos from within' du dernier album tout récemment sorti « Age of unreason » que les Californiens entament leur soirée parisienne. C'est tout de noir vêtus que les rois du punk hardcore mélodique enchaineront les morceaux en piochant parmi leurs dernières compos mais surtout dans leurs classiques devenus des hits incontournables. Et on les en remercie, tellement les années 90s ont été mises à l'honneur ce soir. Loin de moi l'idée de lancer ici un débat sans fin et à l'issue inéluctable, mais les meilleurs albums de Bad Religion tiennent en 10 ans (de 88 à 98 pour être exact), point à la ligne.
Les années passent certes, mais Greg Graffin a toujours son grain de voix si particulier. Jay Bentley, l'autre historique de la bande, cogne sa basse comme un jouvenceau. Brian Baker (fondateur légendaire de Minor Threat !!!!) balance ses riffs et soli avec une facilité déconcertante. Mike Dimkich gratte tranquillement dans son coin. Et le dernier arrivé, Jamie Miller qui officie aux fûts, n'est personne d'autre que le batteur de Snot, groupe trop vite disparu. Et c'est donc avec une expérience et une classe éblouissantes que le quintet déroule. ‘American Jesus', ‘Punk Rock Song', ‘Infected', ‘Suffer', ‘Sorrow' et bien sûr ‘Generator'… bref du velours. C'est vrai que leur répertoire est riche, mais le groupe fait l'effort de ne pas jouer tous les soirs la même setlist et arrive quand même à régaler ses fans les plus anciens (il y en a quelques-uns ce soir) comme les plus récents. Même si certains archi-classiques ne seront pas joués, l'équilibre est bon. Toujours dans ces tonalités qui ont fait le succès de Bad Religion. Des morceaux simples, courts, bien interprétés, mélodiques et juste ce qu'il faut d'agressivité.
Le jeu de scène est sobre. La fosse aussi. Curieusement. Même si la soirée avançant, les énergies se libèrent et on retrouve bien une foule de concert punk. Le temps pour le groupe de s'éclipser en prétendant que le show s'arrête après une courte (mais bonne) heure. Graffin revient nous dire qu'il a le temps pour deux ou trois chansons de l'album « No Control » (étonnamment oublié en effet, maintenant qu'il le dit). Et là c'est le délire. Stupéfaction, ébahissement, effarement, craquage absolu. Tout le rappel sera consacré au 4ème album, sorti il y a 30 ans sur Epitaph. Et bim ! 30 minutes d'affilée avec tous les morceaux enchainés : ‘I want to conquer the world', ‘You', ‘No control', ‘Sanity', etc. Je passerai sous silence les quelques jurons d'allégresse proférés par moi-même ça-et-là durant ce rappel mythique, mais il faut reconnaître que Bad Religion a délivré un p*% # @ de concert. Un son parfait, une setlist géniale et toujours un petit mot pour le public entre les morceaux. On ne pouvait vraiment pas rêver mieux. Ah si, que le groupe fasse un deuxième rappel en jouant « Suffer » ou « Generator » ou « The gray race » ou « Mettez-votre-titre-ici ». Mais soyons justes, en 40 ans de carrière, le groupe a toujours la même énergie, la même attitude et la même musicalité. Certains pourraient pointer le manque de renouvellement ou d'originalité. Mais non. Bad Religion est LA valeur sûre du punk-rock et la scène en a besoin. Et dans des cas comme celui-ci, le seul mot qui s'impose, c'est : merci !
C'est donc avec des étoiles plein les yeux et les cordes vocales éreintées que les fans quittent le Trianon. Ce genre de soirée qui nous fait nous déjà espérer le prochain passage du groupe à Paris. Bah oui, parce que le Punk In Drublic festival à Angoulême, ça fait loin quand même… Mais si on s'en fie à Graffin, Bad Religion reviendra. Alors c'est décidé nous aussi !

Jim

Setlist

1. Chaos from Within
2. Them and Us
3. Fuck You
4. The Dichotomy
5. Recipe for Hate
6. New Dark Ages
7. 21st Century (Digital Boy)
8. Do the Paranoid Style
9. My Sanity
10. Struck a Nerve
11. Generator
12. American Jesus
13. Lose Your Head
14. Suffer
15. Punk Rock Song
16. Sorrow
17. Infected
18. Fuck Armageddon... This Is Hell
Rappel
19. No Control
20. Change of Ideas
21. Big Bang
22. No Control
23. Sometimes I Feel Like
24. Automatic Man
25. I Want to Conquer the World
26. Sanity
27. Henchman
28. It Must Look Pretty Appealing
29. You
30. Progress
31. I Want Something More
32. Anxiety
33. Billy
34. The World Won't Stop