«Le trio Azagthoth/Tucker/Rutan est une pure machine à composer des chansons au mordant saisissant et replace aisément le combo en haut de l'édifice Death Metal »
Voilà déjà six ans que Morbid Angel n'avait rien produit avec le dernier et peu convaincant album ''Illud Divinum Insanus'' sur lequel David Vincent, le frontman charismatique du combo, était revenu pousser son growl légendaire.
Il faut dire que le groupe était au bord du gouffre avec un line up des plus instables, une bataille juridique entre David Vincent utilisant les compositions de MORBID ANGEL pour son nouveau groupe I AM MORBID, et le compositeur génial Trey Azagthoth propriétaire des droits de ces dernières et enfin par l'absence de label voulant promouvoir les américains.
Heureusement, MORBID ANGEL n'était qu'en sommeil, il hibernait depuis six ans pendant que ses membres principaux et toujours actuels, Steve Tucker et Trey Azagthoth à la création et Erik Rutan à la production se consacraient à d'autres activités avec toujours le spectre MORBID ANGEL au-dessus d'eux (écouter ''The Grey Eminence'' du groupe principal de Steve Tucker à la composition et Erik Rutan à la production).
Trey a continué à créer des riffs déments et le line up principal datant de 1997 (Steve étant le vocaliste/bassiste depuis ''Formulas Fatal to the Flesh'') s'est enrichi de Scott Fuller à la batterie et de Dan Vadim Von à la guitare.
Continuant le traditionnel parcours des lettres de l'alphabet depuis le tout premier opus ''Altars of Madness'', c'est en toute logique que ce onzième album, en intégrant les deux live albums ''Entangled in Chaos'' et ''Juvenilia'', commence par la lettre K pour s'intituler ''Kingdoms Disdained''.
Très attendu par la critique et par les fans, cet album se constitue de 11 titres déployés sur 47 minutes, 47 minutes denses, dissonantes et dérangeantes, oui, ce nouvel opus est clairement du MORBID ANGEL avec son ambiance stridente et malsaine conférant un univers bien à part dans le monde du Death Metal, un univers ''morbidangélien''.
Attaquant franchement et efficacement avec l'impactant ''Piles of Little Arms'', le ton est donné dès les premiers riffs du combo. C'est gras, sombre, lancinant, ça écorche, ça tronçonne avec rage et précision. Steve growle puissamment de façon malsaine en pesant chacun de ses mots prononcé avec rage. La diction est intelligible et donc compréhensible, comme le faisait déjà David Vincent il y a plus de vingt ans, et c'est un point de détail incontournable au très exigeant producteur Erik Rutan. Bien que la ligne mélodique soit difficile à percevoir, le titre est varié, bourré de contre-temps; c'est complexe et c'est la ligne directrice de tout l'album.
Oui, cet album est complexe et difficile à apprivoiser! Plusieurs écoutes sont nécessaires pour comprendre l'univers des américains, univers que les fans connaissent bien et univers encore plus destabilisant avec des riffs déments et déroutants comme sur le déstructuré ''D.E.A.D.'' en sans cesse mouvement.
Cette structure, déstructurée justement, est vraiment le fil rouge de ''Kingdoms Disdained'' et la tracklist défile avec une logique implacable, intercalant des chansons plus dynamiques et brutales (''Garden of Disdain'', ''For No Master'' et ''The Fall of Idols'') au milieu de compositions majoritairement lourdes, saccadées et dérangeantes (''The Righteous Voice'', ''Architect and Iconoclast'').
Le MORBID ANGEL 2017 ne s'éloigne guère du MORBID ANGEL des débuts et s'appuie sur sa marque de fabrique décalée qui fait que le combo reste et restera un groupe majeur et influent dans le milieu du Metal Extrême. Pour preuve les titres ''Paradigms Warped'' et ''The Pillars Crumbling'' qui magnifient l'ambiance déjantée du combo maltraitant son auditoire à coup de frappes chirurgicales, de breaks incessants et de riffs vrillants le cerveau...absolument génial!
Les solis dissonants et décalés de Trey sont bien sûr toujours là et se positionnent dans les morceaux de façon inattendue et efficace (''Piles of Little Arms'', ''The Righteous Voice'', ''Architect and Iconoclast'', ''From the Hand of Kings''), généralement en fin de parcours ou au cours du dernier tiers.
Un titre dénote du reste de la galette en le très binaire et martial ''Declaring New Law (Secret Hell)''. L'ensemble du titre est peu évolutif et pourtant de subtiles intégrations font que la mélodie est prenante, envoûtante; ambiance appuyée par le growl flippant de Tucker qui se joue de cette atmosphère en mettant en exergue les accords de sa basse.
Et c'est l'esprit et les tympans malmenés que l'on arrive sur la fin du disque avec le dynamique et puissant ''The Fall of Idols'' réussissant à associer dissonance, brutalité et rage.
''Kingdoms Disdained'' remet MORBID ANGEL dans la course après une décennie chaotique et un avant dernier album à oublier. Le trio Azagthoth/Tucker/Rutan est une pure machine à composer des chansons au mordant saisissant dans une ambiance malsaine et replace aisément le combo en haut de l'édifice Death Metal faisant rapidement oublier les déboires du groupe pour ne se concentrer que sur son avenir!