Les Germains de « Cripper » nous sortent leur 5ème opus en 12 ans d'existence.
Que dire à leur sujet ?
A l'image du groupe, autant jouer la carte de la sincérité, ce groupe de Thrash power Death nous était parfaitement inconnu avant sa signature chez Métal Blade en 2014 pour couvrir la sortie de leur 4ème album, « Hyëna ».
Leurs 3 premières pierres musicales portées par le label Saol, situé à Hannovre comme les membres du groupe, n'ont pas fait parler d'elles dans la presse spécialisée extra-locale.
C'est bien avec « Hyëna » que nous découvrîmes ces teutons loin des standards old-school et des porte-étendards du style Kreator, Rage et autres monstres.
Ceci dit, nous pûmes découvrir un groupe unifié dans une forte cohésion humaine vu qu'en dehors du bassiste, tous les membres fondateurs étaient toujours engagés dans l'aventure. Nous les sentions guidés en harmonie vers un métal brutal, sans concession, voguant sur différents sous-genres.
Comment allaient-ils évoluer ?
Première agréable surprise, le line-up n'a subi aucun dommage temporel…ils sont toujours bien là derrière la ténébreuse Britta ''Elchkuh'' Görtz, au growl d'inspiration Death.
Seconde surprise, je le proclame haut et fort tout comme je l'assume, Cripper est monté de deux crans dans son travail créatif de composition et sans aucune érosion motivationnelle. Nous retrouvons leur mordant sans équivoque. Ca ne rigole pas et comme nous le verrons plus loin, ça fuse, ça percute, ça bouscule.
Tertio, le son m'apparaît plus que correct, ce qui donne le cachet aux différents titres au sein desquels l'auditeur plonge avec facilité.
Voilà pour les balises mais il est temps de nous pencher sur le contenu et de tenter d'en évoquer la substance.
Nous démarrons à 95 Km/h avec un « Pressure » qui fonce rectilignement, sans crochet. Britta crache déjà son venin, soutenue avec énergie par les riffs incisifs de Christian et Jonathan. La rythmique est carrée, la synchronisation est excellente entre le jeu de basse de Gerrit et le matraquage de fûts des oeuvres de Denis. Il y a des envolées dignes du Hardcore, énergisées par ce chant typé Death tout en ouvrant la porte à un groove affirmé du genre Néo-Métal.
Partant d'un arrangement vous exhortant à suivre nos artistes dans le feu, « Into the Fire » poursuit le travail cette fois en mode mid-tempo partant crescendo dans des aires plus agressives. Les feulements de tigre à dent de sabre renforcent le sentiment de puissance. Le groupe nous emmène dans un tourbillon en gagnant de la vitesse et nous propulse dans la stratosphère. Le morceau montre clairement une puissance digne de l'époque où SLAYER brillait. Notons que d'après les membres de Cripper, c'est le titre phare de l'album.
S'ensuit « World Coming Down » campant sur des positions plus modérées et non dénuées de puissance. Un choeur balise l'espace plus introspectif du morceau où Britta chante presque dans un registre clair. La basse s'en donne à coeur joie pour fluctuer sur les colonnes, apportant une certaine sinuosité. La batterie frappe avec plus de calme mais l'ensemble est très élevé, quasiment atmosphérique. C'est surprenant. Le riffing guitaristique parvient à vous glisser quelques coups dans les tripes à travers les petites fenêtres qui leur sont laissées.
Sur « Mother » le tempo est toujours calibré dans la moyenne jouant toujours sur cette altitude déjà évoquée ci-avant avec des aires plus mélodiques et éthérées à l'instar du passage génial que l'on trouve à la 2ème minute et 40ème seconde de la piste. Nos Teutons impulsent tout en rayonnant véritablement. Nous sentons quelques reliquats plus Rock n'Roll dans la structure et c'est jouissif.
« Shoot or Get Shot » prend le relais avec plus de célérité, dans un esprit plus Thrashy, installé sur un registre plus classique. Le Headbang est au rendez-vous, pas de répit, les artistes nous bougent totalement. Il n'y a aucun temps mort depuis l'ouverture du bal.
Si le groupe avait annoncé une volonté de soigner la variation, je puis dire que l'objectif est amplement atteint lorsque nous savourons le brillantissime « Bleeding Red » qui joue avec nos neurones…tirant nos cellules vers le haut, et les lâchant allègrement…non sans prendre soin de les récupérer au passage pour mieux les relancer. Clairement Cripper joue avec nous et pour nous.
Vous pensez déjà avoir fait le tour de la galette ? Oh que non, « Comatose » arrive avec une profondeur insoupçonnée, portant une essence mélancolique affirmée. Britta pause son chant quelques secondes pour exploser et nous jeter dans un flux énergétique total. Pour imager l'impression, c'est un peu comme le lithothérapeute qui se ramasse toute la puissance de sa collection en finissant totalement électrocuté. Le riffing est digne d'un Rage Against The Machine tant son architecture est prenante et envoûtante. Le refrain est grandiose. Quitte à contrarier les cousins Germains, c'est à mon sens là que se trouve le titre phare de l'album. Les lignes de basse viennent nous offrir un véritable matelas où caler le corps.
« Pretty Young Thing » nous relève avec dynamisme, nous ancrant dans un power Thrash sur-vitaminé. La double pédale frétille, les saccades des guitares nous mettent un pied magistral au « popotin ». C'est clairement marcher ou crever à ce stade des opérations. Mais vous suivez inexorablement car le groupe vous a hameçonné. Les petits claquements de mains font penser à une petite touche Flamenco…mais la robe de la danseuse se déchire littéralement tant la ronde est endiablée.
S'ensuit « Running High », le morceau le plus progressif de l'album ainsi que le plus long (presque 9 minutes, s'il vous plaît !!!). Le tempo est plus calme et ce sont les guitares qui poursuivent leur campagne de forage de l'âme par incursions sporadiques. Le chant gagne en dimension car les membres chantonnent ensemble et c'est tout simplement superbe, nous menant dans des ambiances bien plus sereines tout en ne dénaturant pas le fil conducteur. Oui, le groupe a véritablement réussi son pari sur la diversification. Ce morceau en est la preuve.
L'heure est à la clôture, le rideau se ferme sur le très engagé « Menetekel » qui montre un caractère bien plus agressif par rapport aux autres morceaux rapides. La morsure est froide, votre ossature est touchée. Chaque membre de Cripper se concentre, cette fois, pour vous anéantir. La basse percute le plexus, les guitares déchirent nos chairs, le growl annihile toute résistance et la batterie vous roule comme une cigarette sous un jeu bien plus Death. C'est énorme.
Cet album repassera en boucle car il en donne envie.
J'ai véritablement le sentiment d'avoir écouté un chef d'oeuvre digne de Machine Head à l'époque où était sorti le prodigieux « Burn My Eyes ». Ce sont mes oreilles qui ont chauffé cette fois.
A ce stade, je me dis que je vais réécouter plusieurs fois ce « Follow Me: Kill! » histoire de bien méditer la cotation et de relativiser le sentiment général.
En conclusion, 12 écoutes plus tard, j'affirme que Cripper consolide son art destructeur et confirme surtout sa croissance exponentielle dans un univers Thrash varié à haute teneur qualitative.
Non seulement, Cripper nous a livré son chef d'oeuvre de carrière mais il a surtout sorti un opus ayant le niveau des plus grands chefs d'oeuvre mondiaux de Néo-Thrash.
C'est pour moi la révélation de l'année 2017 dans ce sous-genre.